"Aucun des gardiens, ni italiens ni allemands, n'eut le courage de venir voir à quoi s'occupent les hommes quand ils savent qu'ils vont mourir" (p. 14)
"Nous découvrons tous tôt ou tard dans la vie que le bonheur parfait n'existe pas, mais bien peu ceux qui s'arrêtent à cette considération qu'il n'y a pas non plus de malheur absolu" (p. 15)
"Ce sont justement les privations, les coups, le froid, la soif qui nous ont empêchés de sombrer dans un désespoir sans fond, pendant et après le voyage" (p. 16)
"Il est impossible d'aller plus bas : il n'existe pas, il n'est pas possible de concevoir condition humaine plus misérable que la nôtre" (p. 26)
"Plus rien ne nous appartient : ils nous ont pris nos vêtements, nos chaussures, et même nos cheveux" (p. 26)
"En ce lieu, tout est interdit, non certes pour des raisons inconnues mais bien parce que c'est là précisément toute la raison d'être du Lager" (p. 29)
"La mort commence par les souliers : ils se sont révélés être pour la plupart d'entre nous de véritables instruments de torture" (p. 35)
"Chaque jour, selon le rythme établi, Ausrücken et Einrücken, sortir et rentrer, dormir et manger ; tomber malade, guérir ou mourir." (p. 36)
"On évolue dans une sorte de Babel permanente où tout le monde hurle des ordres et des menaces dans des langues parfaitement inconnues, et tant pis pour ceux qui ne saisissent pas au vol" (p. 39)
"Ici personne n'a le temps, personne n'a la patience, personne ne vous écoute" (p. 40)
"ici, se laver tous les jours dans l'eau trouble d'un lavabo immonde est une opération pratiquement inutile du point de vue de l'hygiène et de la santé, mais extrêmement importante comme symptôme d'un reste de vitalité, et nécessaire comme instrument de survie morale" (p. 41)
"C'est justement parce que le Lager est une monstrueuse machine à fabriquer des bêtes que nous ne devons pas devenir des bêtes" (p. 42)
"Les jours se ressemblent tous et il n'est pas facile de les compter (p. 44)
"La peur gouverne les uns, la haine les autres, tout autre sentiment a disparu." (p. 44)
"Ici, pour survivre, il faut avoir accumulé une longue expérience de la lutte de chacun contre tous." (p. 45)
"Il est dans l'ordre des choses que les privilégiés oppriment les non-privilégiés, puisque c'est sur cette loi humaine que repose la structure sociale du camp. " (p. 46)
... la détermination avec laquelle des hommes entreprirent de nous anéantir, de nous détruire en tant qu'hommes avant de nous faire mourir lentement" (p. 54)
"Ils ne pensent pas, ils ne veulent pas, ils marchent" (p. 54)
L'espace d'un instant, j'ai oublié qui je suis et où je suis" (p. 121)
[...] une fulgurante intuition... qui contient peut-être l'explication de notre destin, de notre présence ici aujourd'hui (p. 123)
"Quand on change, au Lager, c'est toujours en pire", disait un proverbe du camp. (p. 124)
"Pour nous, l'histoire s'était arrêtée" (p. 125)
"C'est à Lorenzo que je dois de n'avoir pas oublié que moi aussi j'étais un homme" (p. 130)
"Les personnages de ce récit ne sont pas des hommes. Leur humanité est morte, ou eux-mêmes l'ont ensevelie sous l'offense subie ou infligée à autrui" (P. 130)
"La lutte contre la faim, le froid et le travail laisse peu de place à la pensée" (p. 133)
"Si j'étais Dieu, la prière de Kuhn, je la cracherais par terre". (p. 136)
"C'est curieux comme, d'une manière ou d'une autre, on a toujours l'impression qu'on a de la chance, qu'une circonstance quelconque, un petit rien parfois, nous empêche de nous laisser aller au désespoir et nous permet de vivre". (p. 140)
"Quand il pleut, on voudrait pouvoir pleurer" (p. 140)
"La douleur de se souvenir, la souffrance déchirante de se sentir homme [...] me mord comme un chien à l'instant où ma conscience émerge de l'obscurité." (p. 151)
"Détruire un homme est difficile, presque autant que de le créer : cela n'a été ni aisé ni rapide, mais vous y êtes arrivés, Allemands. Nous voici dociles devant vous, vous n'avez plus rien à craindre de nous : ni les actes de révolte, ni les paroles de défi, ni même un regard qui vous juge." (p. 160)
"La nouvelle n'éveille en moi aucune émotion directe. Il y avait plusieurs mois que je n'éprouvais plus ni douleur, ni joie, ni crainte, sinon de cette manière détachée et extérieure, caractéristique du Lager, et qu'on pourrait qualifier de conditionnelle : si ma sensibilité était restée la même, pensais-je, je vivrais un moment d'émotion intense." (p. 164)
"Aujourd'hui je pense que le seul fait qu'Auschwitz ait pu exister devrait interdire à quiconque de nos jours, de prononcer le mot de Providence : mais il est certain qu'alors le souvenir des secours bibliques intervenus dans les pires moments d'adversité passa comme un souffle dans tous les esprits." (p. 169)
"Au Lager, on perd l'habitude d'espérer, et on en vient même à douter de son propre jugement. Au Lager, l'usage de la pensée est inutile, puisque les événements se déroulent le plus souvent de manière imprévisible ; il est néfaste, puisqu'il entretient en nous cette sensibilité génératrice de douleur, qu'une loi naturelle d'origine providentielle se charge d'émousser lorsque les souffrances dépassent une certaine limite." (p. 184)