Le 16ème siècle anglais assiste à l'avènement des Tudors. Cette dynastie conserve le pouvoir de 1485 à 1603, marquant de son nom l'aube des temps modernes en Angleterre : la Renaissance. Dans la mythologie populaire nationale, le règne des Tudors est nimbé d'un prestige dont le seul équivalent sera l'âge victorien. Il est vrai que les Tudors bénéficient de facteurs favorables.
L'Angleterre s'ouvre sur le monde également grâce aux actes de navigation qui encouragent l'exploration maritime. Sous le règne d'Élisabeth, des personnages comme sir Francis Drake, qui fit le tour du monde entre 1577 et 1580, sir Walter Raleigh, John Hawkins et Thomas Frobisher sillonnent les mers en diffusant le rayonnement anglais : la légende d'une Angleterre maîtresse des mers date de l'époque Tudor. De même, l'établissement des premières colonies anglaises en Amérique du Nord remonte à cette période.
La société reste rurale, mais le processus d'urbanisation laisse au pays un style architectural spécifique. La population de Londres passe de quarante mille à deux cent cinquante mille habitants.
Les conflits intestins se résument aux dissensions religieuses (persécutions des hérétiques lollards sous Henry VIII ou des protestants sous Marie Tudor).
Les premières lois destinées aux pauvres apparaissent sous le règne d'Élisabeth : on s'achemine vers une assistance publique généralisée.
L'influence de la cour ne va pas s'arrêter au social : elle va aussi favoriser le développement culturel et artistique en s'adonnant au mécénat. Les nobles vont patronner des auteurs qui prospéreront sous leur protection. La reine Élisabeth elle-même va protéger une troupe théâtrale. Cette tendance ne s'arrêtera pas avec l'accession des Stuarts au trône : la troupe du Chambellan, à laquelle appartenait Shakespeare devient, avec le couronnement du roi Jacques I en 1603, la troupe des Serviteurs du Roi.
Le raffinement de la Renaissance incite l'élite aristocratique à satisfaire un goût pour le luxe qui ne se cantonne pas uniquement à la littérature, mais qui se manifeste dans de vastes projets architecturaux comme la construction de châteaux tels Hampton Court près de Londres.
Outre les avancées techniques et scientifiques, l'importation de la presse à Westminster par William Caxton en 1476 permet l'essor des livres et des gravures sur bois. L'époque voit surtout la diffusion d'ouvrages religieux, tandis que la littérature anglaise est encore marquée par le flot des traductions (influence de l'humanisme). Certains textes sont enfin rendus accessibles en l'Angleterre : l'Iliade et l'Odyssée de Homère, l'Énéide de Virgile, les Métamorphoses d'Ovide, les Vies de Plutarque, les Essais de Montaigne ou encore la Bible. Dramaturges et poètes puiseront aux sources classiques thèmes et styles qu'ils vont tout d'abord adapter. Ils développeront par la suite un imaginaire et une rhétorique qui leur seront propres.
La
L'influence du monarque suivant,
« Henry VIII en 1509, après son couronnement » par Inconnu — Tudor England images.
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Durant son règne, il va continuer le mouvement
initialisé par son prédécesseur : la monarchie va se faire toute-puissante. Il va amener le pays à se dégager de la tutelle catholique
de Rome en adoptant les doctrines protestantes de l'Allemand Martin Luther : c'est la Réforme qui s'installe dès 1535 lorsqu'il se
proclame
L'importance de la Réforme est considérable à plus d'un titre : outre cette séparation consommée avec Rome qui va permettre la pleine expression de l'identité nationale et religieuse, la langue anglaise va également connaître un développement certain, puisqu'elle va venir remplacer le latin, médium traditionnel de la foi chez les catholiques. Les ouvrages liturgiques se feront désormais en anglais. On assiste à cette époque aux premières traductions de la Bible en langue vernaculaire. Cette assise de l'anglais va consolider la fierté d'appartenir à une nation souveraine qui parvient à se débarrasser des tutelles étrangères.
Le jeune
Malheureusement,
Elle meurt en 1558 sans avoir eu d'héritier et sa demi-sœur,
La stabilité politique qu'elle instaure amène dans son cortège une sérénité qui explique le développement considérable des arts (peinture, miniatures) et de la littérature : c'est « l'âge d'or » esthétique en Angleterre. À la fin de son règne, le pays a acquis une puissance économique et politique jusque-là inégalée, et le génie de tous les temps, la fine fleur qu'est Shakespeare, s'est épanoui durant ce laps de temps.
Le théâtre du 16ème siècle anglais s'articule entre tradition et modernité : il continue à produire des Miracles, Mystères et Moralités, hérités du Moyen Âge, où les personnages sont allégoriques et l'intrigue une dramatisation d'épisodes bibliques. Ces pièces trouveront grâce aux yeux du public jusqu'en 1590.
La modernité se signale avec l'apparition et la multiplication de nouveaux genres adaptés des scènes étrangères. La première « vraie » comédie anglaise date de 1533, Ralph Roister Doister de Nicholas Udall. Dans son sillage, toutes les comédies s'inspireront des modèles classiques, fixés par Plaute (254-184 av. J.-C.) et Térence (190-159 av. J.-C.), et de la commedia dell'arte. Qu'elles soient romanesques, citadines ou burlesques, elles se construisent autour du principe castigat ridendo mores (« corriger par le rire »), et utilisent des éléments convenus comme les quiproquos, les rendez-vous manqués, les mystifications, et les déguisements.
Dans le domaine de la comédie,
La tragédie élisabéthaine, quant à elle, respecte les principes théoriques exposés dans la Poétique d'Aristote et emprunte ses atmosphères au stoïcien Sénèque (4-65 ap. J.-C.), traduit en anglais dès 1559. La violence et les effusions de sang, ainsi que les apparitions surnaturelles, sont des ingrédients conventionnels. La première tragédie anglaise date de 1561. Composée par Thomas Norton et Thomas Sackville, Gorboduc possède la même trame dramatique que le Roi Lear: le vieux roi Gorboduc partage de son vivant son royaume entre ses héritiers.
Mais l'influence de Sénèque sera surtout exploitée par
Les pièces historiques sont l'apanage de
Avant la construction d'édifices permanents, les représentations s'effectuaient dans les halls des palais et des châteaux, dans les cours des auberges ou sur de simples tréteaux érigés pour l'occasion par des troupes d'acteurs itinérants. Ces endroits concentraient la violence et l'art puisqu'ils servaient également aux combats de coqs ou d'ours (voir le jeu de mots sur « l'arène » dont parle le Chœur dans son Prologue, et qui traduit l'anglais « cockpit », fosse à coqs, p. 33).
La première structure fixe, appelée sobrement le Théâtre, date de 1576. Au 16ème siècle, le théâtre public avait ses lettres de
noblesse (le théâtre privé se développera au siècle suivant). La dizaine d'édifices permanents que comptait Londres se dressaient
aux limites de la ville, afin d'éviter la propagation des épidémies et le mécontentement des puritains de la Cité. Ces architectures
de bois étaient de forme ovale, octogonale ou circulaire : Dans Henry V le Chœur fait allusion à cette configuration spatiale particulière dans le
premier Prologue, lorsqu'il évoque « cet O de bois » (p. 33). Le toit de chaume de ces structures explique le destin du Globe : ce
théâtre, construit en 1599 et utilisé par la troupe de Shakespeare, prit feu lors d'une représentation de Henry VIII de Shakespeare
en 1613.
Les théâtres publics offraient des aires de jeu multiples grâce à la présence d'un proscenium (ou avant scène) qui s'avançait jusqu'au milieu du parterre, d'une scène centrale, d'une scène intérieure fermée par un rideau et donnant sur les coulisses, de galeries sur deux étages où se tenaient sentinelles et musiciens.
Ces théâtres à ciel ouvert pouvaient accueillir près de deux mille personnes. Les moins fortunés se tenaient debout dans le parterre, de part et d'autre de la scène centrale, exposés au vent, tandis que les plus riches pouvaient s'asseoir à l'abri sur l'un des trois niveaux de galeries qui entouraient la scène. Certains privilégiés pouvaient même s'installer sur les planches au milieu des acteurs.
Le public, socialement hétérogène, explique la diversité structurelle des pièces : il fallait un peu de poésie et de raffinement, ainsi qu'un soupçon de farce, de culbutes et d'humour grivois pour contenter tout le monde. Les représentations avaient lieu l'après-midi. Un drapeau flottant sur le toit signalait qu'une représentation était en cours. Les femmes n'avaient pas le droit d'apparaître sur scène : leur rôle était donc tenu par de jeunes garçons, les apprentis.
Le théâtre élisabéthain présente deux caractéristiques. Tout d'abord, il ne respecte pas la règle des trois unités (unité de lieu, de temps, d'action) : l'action peut donc se fragmenter, se dérouler dans des lieux différents, s'étendre sur un laps de temps assez vaste et permettre l'intégration d'une ou de plusieurs intrigues secondaires, qui reprennent sur un mode mineur l'intrigue principale.
D'autre part, la dramaturgie est directement liée à la morphologie particulière des théâtres contemporains : la scène centrale, plate-forme carrée, s'avançait jusqu'au milieu du parterre, créant ainsi un lien étroit entre le public et les acteurs, lien que Shakespeare entretient dans Henry V avec le Chœur qui s'adresse à l'imaginaire des spectateurs. Il n'y avait pas de rideau, de frontière entre la scène et le parterre, mais une immédiateté, un échange entre le monde réel des spectateurs et l'univers fictif de la représentation. Les adresses au public et les apartés étaient donc des éléments nécessaires pour maintenir le contact avec un public qui avait quelque peu tendance à être indiscipliné.
Ce dispositif scénique basé sur la proximité permettait de pallier l'absence de décors grâce à des accessoires : une branche d'arbre était utilisée pour symboliser une forêt, quelques hommes sur un seul chariot représentaient une armée entière (« nos quatre ou cinq méchants fleurets ébréchés », p. 143). La parole servait également à suppléer au manque matériel : « la scène pour l'heure se transporte à Southampton » (p. 57). Les indications scéniques sont de ce fait peu nombreuses : les didascalies se cantonnent aux entrées et sorties des personnages, au retentissement des fanfares ainsi qu'aux changements de lieux. Cette absence d'indications explique la diversité des lectures et des adaptations modernes. Les costumes, contrairement aux décors, étaient particulièrement recherchés dans leurs étoffes ou leu finition.
Organisés à l'origine en troupes itinérantes, les acteurs durent se mettre au service de grands seigneurs afin d'échapper à la législation
sur le vagabondage et devinrent alors des professionnels. A côté des
Les troupes sont hiérarchisées :
Des noms restent dans les mémoires :
Source d'évasion, le théâtre permet également de réussir socialement : Shakespeare quitta Stratford sans le sou pour se retrouver quelques années plus tard à la tête de l'une des plus grosses fortunes de sa ville natale.