LUCAIN, LA PHARSALE









Livre IX




LIVRE IX

Après la bataille de Pharsale, Caton s'oppose à une tentative de désertion des troupes pompéiennes.



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Actum Romanis fuerat de rebus, et omnis
indiga seruitii feruebat litore plebes :
erupere ducis sacro de pectore uoces.
« ergo pari (1) uoto gessisti bella, iuuentus,
tu quoque pro dominis, et Pompeiana fuisti
non Romana manus? quod non in regna laboras,
quod tibi, non ducibus, uiuis morerisque, quod orbem
adquiris nulli, quod iam tibi uincere tutum est,
bella fugis quaerisque iugum ceruice uacanti
et nescis sine rege pati. nunc causa pericli
digna uiris. Potuit uestro Pompeius abuti
sanguine : nunc patriae iugulos ensesque negatis,
cum prope libertas? Vnum fortuna reliquit
iam tribus e dominis. Pudeat : plus regia Nili
contulit in leges et Parthi militis arcus.
Ite, o degeneres, Ptolemaei munus et arma
spernite. quis uestras ulla putet esse nocentes
caede manus? Credet faciles sibi terga dedisse,
credet ab Emathiis primos fugisse Philippis (2).
Vadite securi ; meruistis iudice uitam
Caesare non armis, non obsidione subacti.
o famuli turpes, domini post fata prioris
itis ad heredem. Cur non maiora mereri
quam uitam ueniamque libet? Rapiatur in undas
infelix coniunx Magni prolesque Metelli,
ducite Pompeios, Ptolemaei uincite munus.
Nostra quoque inuiso quisquis feret ora tyranno
non parua mercede dabit : sciat ista iuuentus
ceruicis pretio bene se mea signa secutam.
Quin agite et magna meritum cum caede parate:
ignauum scelus est tantum fuga. » Dixit, et omnes
haud aliter medio reuocauit ab aequore puppes
quam, simul effetas linquunt examina ceras
atque oblita faui non miscent nexibus alas
sed sibi quaeque uolat nec iam degustat amarum
desidiosa thymum, Phrygii sonus increpat aeris,
attonitae posuere fugam studiumque laboris
floriferi repetunt et sparsi mellis amorem :
gaudet in Hyblaeo securus gramine pastor
diuitias seruasse casae. sic uoce Catonis
inculcata uiris iusti patientia Martis.

Voir commentaire.

C'en était fait de Rome, et toute une foule avide de servitude s'agitait sur le rivage : de l'auguste poitrine du chef jaillirent ces paroles : « Ainsi donc vos vœux étaient les mêmes que ceux des autres et vous vous êtes battus, soldats, vous aussi, pour un maître ; vous étiez l'armée de Pompée, et non pas celle de Rome ? Du moment que vous ne luttez plus pour le compte de la tyrannie, que vous vivez et mourez pour vous, et non pour vos chefs, que vous n'avez plus à conquérir le monde pour personne, maintenant que vous pouvez vaincre sans risque, vous fuyez les combats, vous recherchez le joug quand votre nuque est libérée, et vous ne savez pas vous passer d'un roi ! C'est maintenant que vous avez pour affronter le péril un motif digne d'hommes de cœur. Pompée pouvait disposer de votre sang, et maintenant vous refusez à la patrie vos gorges et vos épées, quand la liberté est à votre portée ? De trois maîtres la Fortune n'en a épargné qu'un. Honte à vous : le palais du Nil et l'arc du soldat Parthe ont fait plus que vous pour la défense des lois. Allez, cœurs dégénérés, faites fi du présent de Ptolémée et de vos propres armes. Qui pourrait penser que vos mains sont coupables d'un tel meurtre ? César croira que vous avez docilement tourné casaque devant lui et que vous avez été les premiers à fuir de Philippes en Émathie. Partez en toute sécurité : au jugement de César, vous avez mérité la vie sauve, vous qui vous êtes rendus sans combat, sans assaut. Vils serviteurs, après la mort de votre premier maître, vous passez à son héritier. Pourquoi n'avez-vous pas envie de gagner une récompense plus grande que la vie sauve et le pardon ? Qu'on entraîne sur les flots la malheureuse épouse du grand Pompée, la fille de Métellus ; emmenez prisonniers les fils de Pompée, éclipsez le présent de Ptolémée. Et ma tête, quiconque la portera à l'odieux tyran n'en tirera pas non plus un mince profit : que ces combattants apprennent par le prix de mon cou qu'ils ont bien fait de suivre mes enseignes. Allons, aux actes ! Faites-vous d'un grand crime un titre à la reconnaissance : se contenter de fuir, c'est le forfait des lâches ! » Il dit, et de la pleine mer il rappela tous les vaisseaux : ainsi quand les essaims abandonnent les cellules où les abeilles sont écloses, oubliant leurs rayons, elles n'entrelacent plus leurs ailes, mais chacune vole de son côté et, par paresse, ne butine plus le thym amer, mais si retentit le son de l'airain phrygien, saisies, elles suspendent leur fuite et retrouvent leur ardeur pour leur tâche fleurie, leur goût du miel épars : dans les prairies de l'Hybla, le pâtre rassuré se réjouit d'avoir sauvé les richesses de sa cabane. C'est ainsi que la voix de Caton a fait entrer dans le cœur de ces hommes la résolution d'endurer une juste guerre.

  1. pari : entendre « eodem quo Caesariani »

  2. confusion ou « à-peu-près » géographique entre Philippes et Pharsale.

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