VI. Fabula deae Psicae et Cupidinis. Apuleius in libris metamorfoseon hanc fabulam planissime designauit dicens esse in quadam ciuitate regem et reginam, habere tres filias, duas natu maiores esse temperata specie, iuniorem uero tam magnificae esse figurae quae crederetur Venus esse terrestris. Denique duabus maioribus quae temperata erant specie conubia euenere; illam uero ueluti deam non quisquam amare ausus quam uenerari pronus atque hostiis sibimet deplacare. Contaminata ergo honoris maiestate Venus succensa inuidia Cupidinem petit, ut in contumacem formam seueriter uindicaret. Ille ad matris ultionem aduentans uisam puellam adamauit; poena enim in affectum conuersa est, et ut magnificus iaculator ipse se suo telo percussit. Itaque Apollinis denuntiatione iubetur puella in montis cacumine sola dimitti et uelut feralibus deducta exequiis pinnato serpenti sponso destinari; perfecto iamque coragio puella per montis decliuia zephiri flantis leni uectura delapsa in quandam domum auream rapitur, quae pretiosa sine pretio sola consideratione laude deficiente poterat aestimari, ibique uocibus sibi tantummodo seruientibus ignoto atque mansionario utebatur coniugio; nocte enim adueniens maritus, Veneris proeliis obscure peractis, ut inuise uespertinus aduenerat, ita crepusculo incognitus etiam discedebat. Habuit ergo uocale seruitium, uentosum dominium, nocturnum commercium, ignotum coniugium. Sed ad huius mortem deflendam sorores adueniunt montisque conscenso cacumine germanum lugubri uoce flagitabant uocabulum, et quamuis ille coniux lucifuga sororios ei comminando uetaret aspectus, tamen consanguineae caritatis inuincibilis ardor maritale obumbrauit imperium. Zephyri ergo flabrantis aurae anhelante uectura ad semet sororios perducit affectus, earumque uenenosis consiliis de mariti forma quaerenda consentiens curiositatem, suae salutis nouercam, arripuit et facillimam credulitatem, quae semper deceptionum mater est, postposito cautelae suffragio arripit: denique credens sororibus se marito serpenti coniunctam uelut bestiam interfectura nouaculam sub puluinal abscondit lucernamque modio contegit. Cumque altum soporem maritus extenderet, illa ferro armata lucernaque modii custodia eruta Cupidine cognito, dum inmodesto amoris torretur affectu, scintillantis olei desputamento maritum succendit, fugiensque Cupido multa super curiositate puellae increpitans domo extorrem ac profugam derelinquit. Tandem multis iactatam Veneris persecutionibus postea Ioue petente in coniugio accepit. Poteram quidem totius fabulae ordinem hoc libello percurrere, qualiter et ad infernum descenderit et ex Stigiis aquis urnulam delibauerit et Solis armenta uellere spoliauerit et seminum germina confusa discreuerit et de Proserpinae pulchritudine particulam moritura praesumpserit; sed quia haec saturantius et Apuleius pene duorum continentia librorum tantam falsitatum congeriem enarrauit et Aristofontes Atheneus in libris qui disarestia nuncupantur hanc fabulam inormi uerborum circuitu discere cupientibus prodidit, ob hanc rem superuacuum duximus ab aliis digesta nostris libris inserere, ne nostra opera aut a propriis exularemus officiis aut alienis addiceremus negotiis. Sed dum is qui hanc fabulam legerit in nostra haec transeat sciturus quid sibi illorum falsitas sentire uoluerit: Ciuitatem posuerunt quasi in modum mundi, in qua regem et reginam uelut deum et materiam posuerunt. Quibus tres filias addunt, id est carnem, ultronietatem quam libertatem arbitrii dicimus et animam. Psice enim Grece anima dicitur, quam ideo iuniorem uoluerunt, quod corpori iam facto postea inditam esse animam dicebant; hanc igitur ideo pulchriorem, quod et a libertate superior et a carne nobilior. Huic inuidet Venus quasi libido; ad quam perdendam cupiditatem mittit; sed quia cupiditas est boni, est mali, cupiditas animam diligit et ei uelut in coniunctione miscetur; quam persuadet ne suam faciem uideat, id est cupiditatis delectamenta discat - unde et Adam quamuis uideat nudum se non uidet, donec de concupiscentiae arbore comedat - neue suis sororibus, id est carni et libertati, de suae formae curiositate perdiscenda consentiat; sed illarum conpulsamento perterrita lucernam desub modio eicit, id est desiderii flammam in pectore absconsam depalat uisamque taliter dulcem amat ac diligit. Quam ideo lucernae ebullitione dicitur incendisse, quia omnis cupiditas quantum diligitur tantum ardescit et peccatricem suae carni configit maculam. Ergo quasi cupiditate nudata et potenti fortuna priuatur et periculis iactatur et regia domo expellitur. Sed nos, quia longum est ut dixi omnia persequi, tenorem dedimus sentiendi. Si quis uero in Apuleio ipsam fabulam legerit, nostra expositionis materia quae non diximus ipse reliqua recognoscit. | Apulée, dans son livre des Métamorphoses, a très complètement raconté cette fable, en disant que dans une certaine cité il y avait un roi et une reine, qu’ils avaient trois filles, que les deux aînées étaient d’une beauté modérée, mais que la plus jeune était douée d’un visage si magnifique qu’on l’aurait prise pour une Vénus terrestre. Enfin pour les deux aînées qui étaient d’une beauté modérée, arriva le mariage ; mais personne n’osa aimer celle qu’ils préféraient honorer comme une déesse et à apaiser par des offrandes. Sa majesté étant souillée par cet honneur, Vénus enflammée de jalousie demanda à Cupidon de châtier sévèrement cette beauté rebelle. Celui-ci s’approchant pour venger sa mère aperçut la jeune fille et en tomba amoureux ; en effet le châtiment fut changé en affection et, magnifique jeteur de traits, il se frappa lui-même avec son arme. C’est pourquoi, par un oracle d’Apollon, il fut ordonné à la jeune fille d’être envoyée seule au sommet d’un mont et, comme conduite pour de lugubres funérailles, être vouée à un serpent ailé comme époux ; et déjà, le corège achevé, la jeune fille, ayant glissé à travers les pentes de la montagne, par le doux transport du souffle de Zéphyr, fut enlevée dans une maison d’or, qui pouvait être estimée précieuse sans prix, par le seul regard, au-delà de toute louange ; et là, servie seulement par des voix, elle usait d’une union inconnue, comme en un gîte d’étape ; en effet, son mari venant la nuit, une fois les combats de Vénus livrés dans l’obscurité, de même qu’il était venu le soir sans être vu, de même à l’aube il disparaissait incognito. Elle eut donc des domestiques réduits à des voix, un domaine de vent, un commerce nocturne, un mari inconnu. Mais pour pleurer sa mort ses sœurs vinrent et ayant escaladé le sommet du mont, d’une voix lugubre elles répétaient le nom de leur sœur, et bien que ce mari qui fuyait la lumière lui eût interdit avec des menaces de voir ses sœurs, cependant, l’invincible ardeur de l’amour fraternel recouvrit le pouvoir du mari. Elle fit venir à elle ses sœurs affligées en les transportant sur le souffle de la brise Zéphyr, et, sur les conseils empoisonnés de celles-ci, se laissant aller à la curiosité, marâtre de son salut, de connaître l’apparence de son mari, elle prit aussi une très facile crédulité, qui est toujours la mère des tromperies, elle fait passer sa méfiance devant son affection : enfin, croyant ses sœurs, qui disent qu’elle est mariée à un serpent, comme pour tuer un monstre elle cache un poignard sous l’oreiller et couvre une lampe sous un boisseau. Et lorsque son mari est plongé dans un profond sommeil, elle, armé du fer et ayant tiré la lampe de la protection du boisseau, ayant reconnu Cupidon, alors qu’elle est consumée de la passion sans mesure de l’amour, elle brûle son mari par une goutte d’huile étincelante, et Cupidon, prenant la fuite, en accablant de reproches la curiosité de la jeune fille, il l’abandonne, privée de demeure et exilée. Enfin, ballottée par de nombreuses persécutions de Vénus, plus tard, sur la demande de Jupiter il la prit en mariage. Je pouvais (j’aurais pu) assurément parcourir dans ce résumé le déroulement de toute la fable, comment elle descendit aux Enfers, rapporta du Styx une petite urne, et dépouilla de leur toison les brebis du Soleil, et tria les graines mélangées des semences, et avait rapporté une parcelle de la beauté de Proserpine, dont elle devait mourir ; mais parce que Apulée a raconté plus complètement un si grand amas de mensonges dans le contenu de presque deux livres, et qu’Aristofonte d’Athènes, dans des livres qui sont appelés La Mauvaise humeur, a offert cette fable à ceux qui désirent apprendre par une interminable périphrase ; c’est pourquoi nous avons considéré comme superflu d’insérer dans notre livre des éléments exposés par d’autres, de peur que par notre œuvre nous ne sortions de notre propre projet, ou que nous ne nous vouions au travail d’autrui. Mais celui qui aura lu cette fable dans nos écrits, qu’il les parcoure pour savoir ce que ce mensonge veut signifier pour lui : ils ont mis une cité pour ainsi dire à la place du monde, dans laquelle ils ont mis un roi et une reine, comme Dieu et la matière. Ils leur attribuent trois filles, c'est-à-dire la chair, le Libre-Arbitre que nous appelons la liberté de jugement, et l’âme. En effet, en grec l’âme se dit « psyché », qu’ils ont voulu la plus jeune, parce qu’ils disent que l’âme est placée dans le corps déjà fait ; ils l’ont fait plus belle, parce qu’elle est supérieure à la liberté et plus noble que la chair. Vénus, c’est-à-dire la passion, la jalouse ; elle lui envoie le désir pour la perdre ; mais parce qu’il y a un désir du bien, et un désir du mal, le Désir aime l’âme et se mêle à elle dans une union ; elle tente de la persuader de ne pas voir son visage, c'est-à-dire à ne pas apprendre les délices du désir – c’est ainsi qu’Adam, bien qu’il voie, ne se voit pas nu, jusqu’à ce qu’il mange le fruit de l’arbre de concupiscence – et à ne pas céder à ses sœurs, c'est-à-dire la chair et la liberté, pour apprendre la curiosité de son visage ; mais entraînée par leur contrainte, elle sortit la lampe de sous le boisseau, c'est-à-dire dévoile la flamme du désir cachée dans sa poitrine, et l’ayant vue, elle l’aime et la chérit parce qu’elle est douce [comme douce]. On dit qu’elle l’a brûlé avec l’huile bouillante de sa lampe, parce que tout désir brûle d’autant qu’il est aimé et inflige à sa chair la tache du péché. Donc, une fois le Désir dénudé, elle est privé de sa puissante fortune, elle est ballottée par les périls et chassée de la demeure royale. Mais nous, parce que, comme je l’ai dit, il est trop long de suivre tous les détails, nous avons donné la teneur du sens. Mais si quelqu’un lit dans Apulée la fable elle-même, il reconnaîtra lui-même la matière restante de notre exposé, que nous avons omis. |
Fulgence est un auteur du VIème siècle après J-C : sa langue n’est donc pas classique. Si la syntaxe ne pose pas vraiment de problèmes, le vocabulaire en revanche est post-classique.
Ce texte est le premier commentaire que nous ayons du texte d’Apulée. Il est constitué de deux parties :
À ce titre, ce texte est fondamental pour comprendre le mythe de Psyché avant La Fontaine, en particulier chez Marino.