Cicéron (106-43 av. J-C)

Correspondance

Ad Quintum fratrem

III. Scr. Thessalonicae Idibus Iuniis a.u.c. 696.
MARCUS QUINTO FRATRI SALUTEM.

1. mi frater, mi frater, mi frater, tune id veritus es, ne ego iracundia aliqua adductus pueros ad te sine litteris miserim? aut etiam ne te videre noluerim? Ego tibi irascerer? tibi ego possem irasci? Scilicet, tu enim me afflixisti; tui me inimici, tua me invidia, ac non ego te misere perdidi. Meus ille laudatus consulatus mihi te, liberos, patriam, fortunas, tibi velim ne quid eripuerit praeter unum me. Sed certe a te mihi omnia semper honesta et iucunda ceciderunt, a me tibi luctus meae calamitatis, metus tuae, desiderium, maeror, solitudo. "Ego te videre noluerim?" Immo vero me a te videri nolui; non enim vidisses fratrem tuum, non eum, quem reliqueras, non eum, quem noras, non eum, quem flens flentem, prosequentem proficiscens dimiseras, ne vestigium quidem eius nec simulacrum, sed quandam effigiem spirantis mortui. Atque utinam me mortuum prius vidisses aut audisses! utinam te non solum vitae, sed etiam dignitatis meae superstitem reliquissem!

Ad Quintum fratrem, I, 3, 1

 A Thessalonique, Ides de juin 696 ab urbe condita (15 juin 58 av. J-C)

Mon frère, mon frère, mon frère, tu as craint que poussé par quelque colère, je n’envoie auprès de toi des esclaves sans une lettre ? Ou même que je n’ai pas voulu te voir ? Moi, je serais fâché contre toi ?  Toi, tu pourrais me mettre en colère ? C’est sans doute toi qui m’as affligé, en effet ; ce sont sans doute tes ennemis, la haine déchaînée contre toi, qui a causé ma perte, et non le contraire, malheureux ! Ce glorieux consulat m’a arraché mes enfants, ma patrie, mes biens, et toi ; à toi, je voudrais qu’il n’ait enlevé que moi seul. Mais assurément, de toi, je n’ai jamais eu qu’honneur et agrément ; de moi, tu as eu le chagrin de mon désastre, la crainte pour toi, le regret, l’affliction, la solitude. « Moi, je n’aurais pas voulu te voir ? » ou plutôt, à vrai dire, je n’ai pas voulu être vu de toi. En effet, ce n’est pas ton frère que tu aurais vu, celui que tu as laissé, celui que tu as connu, celui qu’en pleurant tu as laissé derrière toi en larmes, et qui te suivait quand tu t’en allais, pas même un vestige, ni un fantôme de lui, mais pour ainsi dire le spectre d’un mort vivant. Et plût aux dieux que tu m’aies vu mort avant ou que tu aies appris ma mort ! plût aux dieux que je t’aie laissé survivre non seulement de ma vie, mais de ma gloire !