Cicéron, Pro Flacco

ÉLOGE DES CITÉS GRECQUES

Cicéron s’adresse aux représentants des cités grecques venus témoigner en faveur de l’accusé, Lucius Flaccus, qu’il défend.

Adsunt Athenienses, unde humanitas, doctrina, religio, fruges, iura, leges ortae atque in omnes terras distributae putantur ; de quorum urbis possessione propter pulchritudinem etiam inter deos certamen fuisse proditum est ; quae uetustate ea est ut ipsa ex sese suos ciues genuisse dicatur, et eorum eadem terra parens, altrix, patria dicatur ; auctoritate autem tanta est ut iam fractum prope ac debilitatum Graeciae nomen huius urbis laude nitatur. Adsunt Lacedaemonii, cuius ciuitatis spectata ac nobilitata uirtus non solum natura corroborata uerum etiam disciplina putatur ; qui soli toto orbe terrarum septingentos iam annos amplius unis moribus et numquam mutatis legibus uiuunt. Adsunt ex Achaia cuncta multi legati, Baeotia, Thessalia, quibus locis nuper legatus Flaccus imperatore Metello praefuit. Neque uero te, Massilia, praetereo, quae L. Flaccum Tribunum militum quaestoremque cognosti ; cuius ego ciuitatis disciplinam atque grauitatem non solum Graeciae sed haud scio an cunctis gentibus anteponendam iure dicam ; quae tam procul a Graecorum omnium regionibus, disciplinis, linguaque diuisa, cum in ultimis terris cincta Gallorum gentibus barbariae fluctibus adluatur, sic optimatium consilio gubernatur ut omnes eius instituta laudare facilius possint quam aemulari. 

Cicéron, Pro Flacco. (59 av. J-C.)

 

Traduction :

Voici les Athéniens, de qui, pense-t-on, sont nées et se sont propagées dans tout l’univers la civilisation, la science, la religion[1], les moissons, le droit, les lois[2]. On rapporte qu’il y eut même entre les dieux une lutte pour la possession de leur ville à cause de sa beauté ; et cette cité est d’une telle ancienneté qu’elle engendra, dit-on, ses propres citoyens, émanation d’elle-même[3], et que cette même terre est appelée leur mère, leur nourrice, leur patrie ; et son prestige est si grand que la puissance de la Grèce, désormais presque brisée et anéantie s’appuie sur la gloire de cette ville.

Voici les Lacédémoniens, cité dont la vertu, remarquable et fameuse, est, dit-on, renforcée non seulement par la nature, mais aussi par la discipline ; eux seuls, sur tout le disque terrestre, vivent depuis plus de sept-cents ans selon le même mode d’existence et sous des lois toujours inchangées.

Voici, venus de toute la Grèce de nombreux délégués, de Béotie, de Thessalie, pays que commanda naguère le lieutenant Flaccus sous les ordres du général en chef Métellus. Mais je ne t’omets pas, Marseille, toi qui connus Lucius Flaccus tribun militaire et questeur ; cité dont je dirais que l’organisation et la sagesse doit être à juste titre préférée non seulement à [celles de] la Grèce mais à [celles de] toutes les autres nations ; séparée de toutes les régions grecques, de leur organisation et de leur langue, alors que, aux confins de la terre, entourée par la nation des Gaulois[4], elle est baignée par les flots de la barbarie, elle est gouvernée par la prudence des optimates, d’une manière telle que tous peuvent louer ses institutions plus facilement que les imiter.



[1] La religion : Athènes est la ville des Grandes Panathénées, mais aussi des Mystères d’Eleusis, dédiés à Déméter et à sa fille Korè.

[2] Allusion à Solon et à Clisthène.

[3] Allusion à la légende des « autochtones » : les Athéniens se vantaient d’être nés du sol même d’Athènes (Panégyrique d’Athènes).

[4] En 59, la conquête de la Gaule n’était pas faite.