Virgile, Les Géorgiques

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Livre IV

Le Vieillard de Tarente (v. 125-148)

Namque sub Oebaliae memini me turribus arcis,
qua niger umectat flauentia culta Galaesus,
Corycium uidisse senem, cui pauca relicti
iugera ruris erant, nec fertilis illa iuuencis
nec pecori opportuna seges nec commoda Baccho.
Hic rarum tamen in dumis olus albaque circum
lilia uerbenasque premens uescumque papauer
regum aequabat opes animis seraque reuertens
nocte domum dapibus mensas onerabat inemptis.
Primus uere rosam atque autumno carpere poma,
et cum tristis hiems etiamnum frigore saxa
rumperet et glacie cursus frenaret aquarum,
ille comam mollis iam tondebat hyacinthi
aestatem increpitans seram Zephyrosque morantes.
Ergo apibus fetis idem atque examine multo
primus abundare et spumantia cogere pressis
mella fauis; illi tiliae atque uberrima pinus,
quotque in flore nouo pomis se fertilis arbos
induerat, totidem autumno matura tenebat.
Ille etiam seras in uersum distulit ulmos
eduramque pirum et spinos iam pruna ferentes
iamque ministrantem platanum potantibus umbras.
Verum haec ipse equidem spatiis exclusus iniquis
praetereo atque aliis post me memoranda relinquo.

Ainsi je me souviens d’avoir vu, au pied des tours de la haute ville d’Œbalios, là où le noir Galesus arrose des cultures blondissantes, un vieillard de Corycus, qui possédait quelques arpents d’un terrain abandonné, ni bons pour les bœufs de labour, ni propice au bétail, ni propre à Bacchus. Cet homme cependant, plantant dans les ronceraies des légumes en lignes espacées, et en bordure des lis blancs, des verveines et du pavot comestible, égalait dans sa fierté ses richesses à celles des rois, et quand, tard dans la nuit, il rentrait chez lui, il chargeait sa table de mets qu’il n’avait pas achetés. Le premier, au printemps il cueillait la rose, et en automne les fruits, et alors que le triste hiver faisait encore éclater les pierres par le froid et immobilisait le cours des eaux dans la glace, lui déjà tondait la chevelure de la souple jacinthe, en se moquant de l’été en retard et des Zéphyrs qui s’attardent.

Ainsi le premier il regorgeait d’abeilles fécondes et de nombreux essaims et pressait les rayons pour en extraire le miel écumant ; pour lui les tilleuls et le pin produisaient en abondance, et autant en sa fleur nouvelle l’arbre fertile avait promis de fruits, autant il portait de fruits mûrs à l’automne. Lui encore transplanta en ligne des ormes déjà grands, le poirier déjà dur et des épines portant des prunelles, et le platane fournissant déjà de l’ombre aux buveurs. Mais, contraint par le peu de place, je passe sur ces choses, et je les laisse à rappeler à d’autres après moi.

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