L’Art poétique d’Horace a été classé dans le second livre des Épîtres : ce classement est plus pratique que réellement fondé. Il s’agit ici d’une réflexion sur la manière d’écrire, critique de ses contemporains et justification « pro domo », qui appartient aux « sermones » et adressée aux Pisons ; elle passe librement d’un thème à l’autre, traitant de tous les sujets concernant la création littéraire ; c’est un effort théorique dans la lignée d’Aristote, mais sous une forme plus souple ; Horace aura de nombreux continuateurs ; parmi eux, Boileau s’en inspire directement.
Nous sommes en présence d’une profession de foi classique, contre les fantaisies des héritiers de l’alexandrinisme comme Catulle. Le classicisme est la nouvelle école (Horace et Virgile) : éloge de l’unité, de la pureté de la forme, retour à l’art grec classique contre le papillonnement baroque.
Le texte est bâti sur la parenté des arts, et des principes qui les gouvernent. L’analogie peinture / poésie est suivie tout au long du texte, avec tout un vocabulaire qui rattache la littérature à l’artisanat.
Le texte débute par une comparaison : un tableau représentant des monstres ne plait pas mais fait rire. Horace passe librement, sans lien logique, du centaure aux sirènes… Peu de monstres dans la mythologie romaine, sauf Scylla et les Harpyes, assez secondaires. Le fantastique délirant n’est donc pas compris d’Horace, qui impose des limites de vraisemblance. Un livre qui laisserait libre cours à l’imagination produirait le même effet que ce tableau : ces limites à la liberté créatrice nous semblent bien étroites aujourd’hui.
Horace se livre dans cette 1ère partie à une parodie de ce qu’il dénonce, en multipliant les oxymores : capiti / ceruicem, piscem / mulier ; des chiasmes : Humano … equinam // atrum pescem… mulier formosa ; et plus loin : serpentis / auibus … tigribus agni : effet de miroitement.
On trouve également des effets d’accumulation, avec insistance sur deux idées :
Le texte est très travaillé, bien que donnant l’impression d’une libre accumulation. Insistance aussi sur la condamnation de l’imagination morbide : rire, aegri somnia, uanae species…
Puis il précise son idée : ce qu’il condamne, ce qui rend ces livres ridicules et semblables à ces monstres, c’est leur bigarrure et leur manque d’unité. Nouvelle métaphore, celle du manteau d’Arlequin. Quel que soit le sujet, on coud des morceaux obligatoires : religieux, pastoral (l’eau), épique (le Rhin)… Là encore, accumulation d’éléments naturels, ou plutôt de décors.
Notion de genre, d’unité interne de l’œuvre ; Horace demande que la poésie soit épurée de toutes ces scories qui rompent le ton et éparpillent l’attention. Il veut une cohérence du ton, des images… Tel est le sens de la dernière image : après avoir comparé le poète à un peintre, il en fait un potier : importance du métier, du travail de la forme.
Grande liberté de ton : c’est une lettre et non un traité théorique, qu’Horace s’efforce de rendre plaisant malgré une structure très ferme :
Plusieurs interlocuteurs : Horace s’adresse d’abord aux Pisons ; objections de ceux-ci, à laquelle il répond en développant sa pensée. Puis il s’adresse directement à un poète fictif. Peut-être cherche-t-il à restituer le ton des dialogues de Cicéron. Impression de vie donnée aussi par l’accumulation de métaphores, d’images : Horace s’amuse et prend plaisir écrire : humour qui imite ce qu’il dénonce (= pastiche) et en même temps donne une saveur concrète au discours. « Denique sit quod uis » (v. 23) : cette formule rend le texte beaucoup moins limitatif qu’il y paraît : pas de limitation de sujets, seulement de forme. On retrouvera cela chez Boileau.
Horace est un homme de mesure, esthétiquement et moralement.