Apulée (123 ou 125 ap. J-c – vers 170)

Biographie :

Apulée est né dans une famille aisée de Madaure, son père était duumvir de la cité et devait laisser à son frère et à lui un confortable héritage de 2 000 000 de sesterces. Bien que totalement romain par sa culture et son œuvre, Apulée resta toujours attaché à ses origines, n'hésitant pas à se revendiquer plus tard «mi-numide et mi-gétule ».

Il étudie la rhétorique et la littérature à Madaure, puis à Carthage, et enfin à Athènes, où il s'intéresse à la philosophie néo-platonicienne et au sophisme. Doué d'un talent d'orateur, il devient avocat à Rome avant de mener une carrière de conférencier itinérant dans son pays natal. Parlant aussi bien le latin que le grec, il peut même passer sans problème d'une langue à l'autre au cours du même discours.

Au cours d'un de ses voyages, il rencontre à Oea (l'actuelle Tripoli) une riche veuve, Emilia Pudentilla, qu'il épouse. Accusé par sa belle-famille d'avoir usé de magie, il plaide sa propre cause lors d'un procès à Sabratha en 158 (avec succès : il sera acquitté) et consigne sa plaidoirie dans une Apologie. De son temps, Apulée a été considéré comme un adepte de la magie, voire comme un thaumaturge. C'est surtout un homme doué d'une curiosité exceptionnelle, dans tous les domaines, initié à plusieurs cultes orientaux (dont celui de la déesse Isis) et qui fut peut-être prêtre d'Esculape.

Les œuvres

L’Apologie

Apulée est accusé par Émilianus de détenir des objets magiques…

Sacrorum pleraque initia in Graecia participaui. Eorum quaedam signa et monumenta tradita mihi a sacerdotibus sedulo conseruo. Nihil insolitum, nihil incognitum dico. Vel unius Liberi patris mystae qui adestis, scitis quid domi conditum celetis et absque omnibus profanis tacite ueneremini. (9) At ego, ut dixi, multiiuga sacra et plurimos ritus et uarias cerimonias studio ueri et officio erga deos didici. (10) Nec hoc ad tempus compono, sed abhinc ferme triennium est, cum primis diebus quibus Oeam ueneram p{l}ublice disserens de Aesculapii maiestate eadem ista prae me tuli et quot sacra nossem percensui. (11) Ea disputatio celebratissima est, uulgo legitur, in omnibus manibus uersatur, non tam facundia mea quam mentione Aesculapii religiosis Oeensibus commendata. (12) Dicite aliquis, si qui forte meminit, huius loci principium. (...) Audisne, Maxime, multos suggerentis? Immo, ecce etiam liber offertur. Recitari ipsa haec iubebo, quoniam ostendis humanissimo uultu auditionem te istam non grauari. [56] (1) Etiamne cuiquam mirum uideri potest, cui sit ulla memoria religionis, hominem tot mysteriis deum conscium quaedam sacrorum crepundia domi adseruare atque ea lineo texto inuoluere, quod purissimum est rebus diuinis uelamentum? (2) Quippe lana, segnissimi corporis excrementum, pecori detracta, iam inde Orphei et Pythagorae scitis profanus uestitus est. Sed enim mundissima lini seges inter optumas fruges terra exorta non modo indutui et amictui sanctissimis Aegyptiorum sacerdotibus, sed opertui quoque rebus sacris usurpatur. (3) Atque ego scio nonnullos et cum primis Aemilianum istum facetiae sibi habere res diuinas deridere. (4) Nam, ut audio partim Oe<e>nsium qui istum nouere, nulli deo ad hoc aeui supplicauit, nullum templum frequentauit, si fanum aliquod praetereat, nefas habet adorandi gratia{m} manum labris admouere. (5) Iste uero nec dis rurationis, qui eum pascunt ac uestiunt, segetis ullas aut uitis aut gregis primitias impertit. Nullum in uilla eius delubrum situm, nullus locus aut lucus consecratus. (6) Ecquid ego de luco et delubro loquor? Negant uidisse se qui fuere unum saltem in finibus eius aut lapidem unctum aut ramum coronatum. (7) Igitur adgnomenta ei duo indita: Charon, ut iam dixi, ob oris et animi diritatem, sed alterum, quod libentius audit, ob deorum contemptum, Mezentius. (8) Quapropter facile intellego hasce ei tot initiorum enumerationes nugas uideri, et fors anne ob hanc diuini contumaciam non inducat animum uerum esse quod dixi, me sanctissime tot sacrorum signa et memoracula custodire. (9) Sed ego, quid de me Mezentius sentiat, manum non uorterim, ceteris autem clarissima uoce profiteor: si qui forte adest eorundem sollemnium mihi particeps, signum dato, et audias licet quae ego adseruem. (10) Nam equidem nullo umquam periculo compellar, quae reticenda accepi, haec ad profanos enuntiare.

(Apologie, 55-56)

J’ai participé, en Grèce, à de très nombreux mystères. J’en conserve précieusement certains symboles et souvenirs qui m’ont été confiés par des prêtres. Je ne dis là rien d’insolite, rien qui ne soit connu. Par exemple, vous les mystes du seul dieu Liber qui êtes ici, vous savez ce que vous gardez caché dans vos maison et ce que vous vénérez en silence, loin de tous les profanes. Mais moi, comme je vous l’ai dit, j’ai appris des cultes divers, des rites variés et des cérémonies diverses par passion de la vérité et par piété envers les dieux. Et je n’imagine pas cela pour cette circonstance, mais depuis exactement trois ans, les premiers jours de mon arrivée à Oea, parlant en public de la majesté d’Esculape, j’ai fait exactement les mêmes déclarations et j’ai recensé tous les cultes que je connaissais. Cet exposé est très célèbre, on en parle couramment, il est dans toutes les mains, recommandé aux pieux habitants d’Oea moins par mon éloquence que par la mention d’Esculape. Que quelqu’un en dise le début, si par hasard quelqu’un s’en souvient… Entends-tu, Maximus, beaucoup de gens qui le récitent ? Bien mieux, voilà même qu’on apporte le livre. J’ordonnerai que ces mots soient lus en public, puisque tu montres par ton visage plein d’humanité que cette écoute ne te pèse pas. [56] Et de plus, peut-il sembler étonnant à quelqu’un, qui ait quelque souvenir de religion, qu’un homme initié à tant de mystères conserve chez lui certaines amulettes et les enroule dans un tissu de lin, qui est le voile le plus pur pour des objets sacrés ? Car la laine, excroissance du corps le plus inerte, tirée d’un animal, est, vous le savez, un vêtement profane depuis déjà Orphée et Pythagore. Mais en effet la très pure pousse du lin, sortie de terre parmi les meilleurs fruits, non seulement est utilisée pour le vêtement et enveloppe par les très saints prêtres d’Égypte, mais aussi de couverture pour les objets sacrés. Et je sais quant à moi que certains, et en premier lieu ce fâcheux Émilien, considèrent comme une plaisanterie de se moquer des choses sacrées. En effet, comme je l’entends dire par une bonne partie des habitants d’Oea qui le connaissent, jusqu’à l’âge où il est il n’a prié aucun dieu, n’a fréquenté aucun temple, s’il passe devant quelque sanctuaire, il considère comme un crime de porter sa main à ses lèvres en signe d’adoration. En vérité cet individu ne partage même pas, avec les dieux des champs qui le nourrissent et l’habillent, les prémices de ses moissons, de ses vignes ou de ses troupeaux. Dans sa ferme, nulle chapelle, nul lieu ni bosquet consacré. Et pourquoi parlé-je de bosquet ou de chapelle ? Ceux qui sont allés chez lui affirment n’avoir vu même, sur son territoire, une seule pierre ointe d’huile ou un rameau couronné. Par conséquent, on lui a donné deux sobriquets : Charon, comme je l’ai déjà dit, à cause de la dureté de son visage et de son esprit, et un autre, qu’il entend plus volontiers, à cause de son mépris des dieux, Mézence. C’est pourquoi je comprends sans peine que ces énumérations de tant de mystères lui semblent des sornettes, et peut-être même, à cause de son mépris du divin, ne saurait-il convaincre son esprit que ce que j’ai dit est vrai, que je garde avec la plus grande piété tant de symboles et de petits souvenirs des mystères. Mais en ce qui me concerne, quoi que Mézence pense de moi, je ne changerai pas de main (= peu m’importe), mais pour tous les autres, je le proclame de la voix la plus éclatante : si par hasard quelqu’un ici présent à été initié aux mêmes mystères que moi, qu’il me fasse signe, et elle apprendra de moi quels objets je conserve. En effet je ne serai jamais poussé par nul péril à révéler à des profanes ce que j’ai reçu sous le sceau du secret.

Quelques éclaircissements