1-13 : Nausicaa
rentre au palais
ἀράομαι-ῶμαι :
prier
τὸ
μένος,
ους :
âme, force
ἀγακλυτός,
ή, όν :
très illustre
ἐν
προθύροισι :
devant le porche
ἀμφίς :
préposition postposée : autour d’elle
ἐναλίγκιος,
ος, ον :
semblable
ὁ
θάλαμος,
ου :
chambre, maison
ἑός :
son, sa…
πῦρ
δαίω :
allumer le feu
ἡ
γρηύς
= ἡ
γραῦς :
la vieille femme
Ἀπειραίος,
η, ον :
d’Epire ; déformation d’ἠπειραίη ?
θαλαμηπόλος :
femme de chambre
νέες
ἀμφιεέλισσαι :
cf. VI, 262 : les nefs à la double courbure (formule homérique)
τὸ
γέρας :
présent, part d’honneur : part de choix que l’on réserve au roi
avant le partage du butin.
οὕνεκα :
c’est pourquoi
τὸ
δόρπον :
repas du soir
Traduction :
Ainsi pria ici même ce divin Ulysse qui avait tant souffert. La force des deux mules porta la jeune fille vers la ville. Lorsqu’elle arriva au palais très illustre de son père, elle s’arrêta dans l’entrée ; ses frères semblables aux immortels se tenaient autour d’elle ; ils déliaient les mules du chariot et déchargeaient le linge. Quant à la jeune fille, elle allait dans sa chambre. Une vieille femme d’Épire, la femme de chambre Eurymédousa allume du feu pour elle ; autrefois les navires à la double courbure l’ont amenée d’Épire, ils l’ont choisie comme part d’honneur pour Alcinoos, puisqu’il régnait sur tous les Phéaciens et que le peuple l’écoutait comme un dieu. Elle avait élevé Nausicaa aux bras blancs dans le palais. Elle allumait le feu pour elle et à l’intérieur [du palais] préparait son dîner.
V.
14-45 : Athéna conduit Ulysse jusqu’au palais
ὦρτο
= ὤρετο
< ὄρνυμι :
faire se lever. Au passif, se lever
πολλὴν
ἠέρα :
« une épaisse nuée »
ἐξερέοιτο <
ἐρέω : j’interroge. Ne pas confondre
avec le futur de λέγω, ἐρέω-ῶ.
κερτομέω :
injurier, outrager
δύομαι :
pénétrer dans
ἐραννός,
ή,
όν :
aimable (est-ce une antiphrase, ici ??)
νεάνις,
ιδος :
jeune fille, fillette
κάλπις,
ιδος :
cruche
[22]
οὐκ
ἂν
ἡγήσαιο :
optatif de politesse : « ne me conduirais-tu pas ? »
ταλαπείριος :
qui a beaucoup souffert
τῶ :
ancien instrumental de ὁ,
ἡ, τό :
ainsi, c’est pourquoi, hé bien alors.
v.
29 : sous-entendre δόμος
ἀμύμων,
ονος :
vénérable, sans reproche
τοῖον :
renforce σιγῇ
προτιόσσεο
< προτιόσσομαι :
impératif = jeter les yeux sur
ἀγαπάζομαι :
être bienveillant, accueillant
θοός,
ή,
όν :
rapide
ὠκύς,
εῖα, ύ : rapide
λαῖτμα :
abîme
ἐκπεράω :
parcourir
Ἐνοσίχθων :
Celui qui ébranle la terre (= Poséidon). Cf. VI, 326 : Ἐννοσίγαιος :
Celui qui ébranle la terre
[38]
ἴχνια :
les traces
ἀχλύς :
brouillard
θεσπεσίος,
α,
ον :
merveilleux
σκολόπεσσιν :
les pieux qui garnissent le haut de la muraille (< ὁ σκόλοψ,
σκόλοπος)
ἀρηρότα
< ἀρηρώς,
υῖα,
ός :
munir, ajusté.
Traduction :
Et alors Ulysse se leva pour aller à la ville. Autour de lui, Athéna qui éprouvait de l’amitié pour Ulysse, répandit une épaisse nuée, afin qu’aucun des arrogants Phéaciens, l’ayant rencontré, ne l’injurie par des paroles ni ne lui demande qui il était. Mais lorsqu’il fut sur le point d’entrer dans l’aimable ville, la déesse Athéna aux yeux pers vint à sa rencontre, sous la forme d’une petite fille portant une cruche ; elle s’arrêta devant lui. Le divin Ulysse lui demanda : « Mon enfant, ne voudrais-tu pas me conduire à la demeure du seigneur Alcinoos qui règne parmi ces hommes ? En effet j’arrive ici, étranger, ayant beaucoup souffert, venu de loin, d’une terre lointaine. Ainsi je ne connais pas un seul des hommes qui habitent cette ville et cette terre. » La déesse Athéna aux yeux pers lui répondit de son côté : « Assurément, moi je te montrerai, vénérable étranger, la maison que tu me demandes puisqu’elle se trouve près de la maison de mon père irréprochable. Mais va ainsi, en silence. Quant à moi je te montrerai le chemin. Ne regarde personne et ne lui adresse pas la parole. Les gens d’ici ne reçoivent pas bien les étrangers et n’ accueillent pas amicalement ni avec bienveillance celui qui vient d’ailleurs. Confiants en des navires prompts et rapides, ils parcourent le grand abîme [de la mer] puisque l’Ébranleur du sol le leur a accordé. Leurs navires sont rapides comme l’aile ou comme la pensée. » [36]
Ayant ainsi parlé Pallas Athéna le conduisit rapidement ; celui-ci marche sur les traces de la déesse. Les Phéaciens célèbres par leurs bateaux ne remarquèrent pas qu’il marchait au milieu d’eux dans la ville ; car Athéna aux belles boucles, la terrible déesse, qui avait versé sur lui un brouillard merveilleux, éprouvant en son cœur un sentiment amical, ne le permettait pas. Ulysse admirait les ports, les fins navires, les places de ces héros, et les grands remparts élevés, munis de pieux, étonnants à voir.
Commentaire :
L’image
que donne Athéna, déguisée en fillette, des Phéaciens complète celle, peu
sympathique, déjà tracée par Nausicaa au chant VI. On les savait médisants,
on les découvre à présent xénophobes ! A l’exception d’Alcinoos et
de sa famille, ils ignorent l’hospitalité. Les Phéaciens seraient-ils
d’anciennes divinités infernales ? Ou bien ce peuple de marins et de
commerçants serait-il traumatisé par une mauvaise expérience avec l’étranger,
du temps où il habitait près des Cyclopes ? Cf. début du chant VI. A
moins encore que l’absence de relations avec d’autres peuples n’ait fini
par corrompre les Phéaciens, et les rendre misanthropes…
Quoi
qu’il en soit, l’aède ainsi maintient le suspense : Ulysse
parviendra-t-il sain et sauf chez Alcinoos, ou est-il menacé d’une nouvelle mésaventure ?
V.
46-81 : Athéna décrit la famille d’Alcinoos.
τοῖσι
δὲ
μύθων
ἦρχε :
elle commença à parler pour eux deux (τοῖσι)
πεφραδέμεν :
infinitif parfait de φράζω
δήω ·:
présent de sens futur : trouver
διοτρεφής,ής,
ές :
nourrisson de Zeus
δαίτην
δαινύμενος,
η, ον :
prenant son repas
κίω :
aller
ταρβέω-ῶ :
effrayer
θαρσαλέος
= θαρραλέος :
confiant, résolu
κιχάνω :
atteindre ; κιχήσεαι
= subjonctif à voyelle brève, 2ème pers. sing.
ἐπώνυμον,
ου :
surnom
τοκεύς,
έως : parent, qui enfante ou engendre.
ὁπλότατος,
η,
ον :
le plus jeune
ὑπερθύμος :
orgueilleux
ἀτάσθαλος,
ος,
ον :
à l’orgueil insensé
μίγνυμι :
se mêler à, se joindre à
ἀργυρότοξος :
à l’arc d’argent
νυμφίος :
jeune marié
ἄκοιτις :
épouse
τίω :
honorer
περὶ
κῆρι :
du fond du cœur
δειδέχαται :
« ils saluent ». Parfait à redoublement long
ὑψόφορος :
au toit élevé
πόντον ἐπ’ ἀτρύγετον : sur la mer stérile (ou infinie)
εὐρυάγυια :
aux larges rues, en parlant de Troie, ou, ici, d’Athènes
Traduction :
Mais quand ils arrivèrent à la demeure très illustre du roi, la déesse Athéna aux yeux pers commença à parler pour eux deux : « Voici donc, vénérable étranger, la demeure que tu me demandes de t’indiquer. Tu trouveras les rois, nourrissons de Zeus, en train de festoyer. Quant à toi, entre à l’intérieur, et ne crains rien en ton cœur. En effet, un homme résolu réussit mieux en toutes ses actions, même s’il vient de l’étranger. Trouve d’abord la maîtresse de maison dans le palais. Son nom est Arétè, elle est issue des mêmes parents qui avaient engendré le roi Alcinoos. Tout d’abord Poséidon Ébranleur du sol donne naissance à Nausithoos, avec Périboea, la plus belle des femmes, la plus jeune fille d’Eurymédon au grand cœur, qui régnait jadis sur les Géants orgueilleux. Mais celui-ci perdit son peuple à l’orgueil insensé, et se perdit lui-même. A elle se joignit Poséidon, et il engendra son fils Nausithoos, qui régna sur les Phéaciens. Nausithoos donna naissance à Rhéxénor et Alcinoos. Apollon à l’arc d’argent frappa l’un, qui n’avait pas de garçon, étant jeune marié, mais laissa dans le palais une seule fille, Arétè. Alcinoos fit d’elle sa femme et il l’honora, comme nulle autre sur terre n’est honorée, je veux dire ces femmes qui maintenant ont un foyer sous la domination de leur mari ; ainsi celle-ci, du fond du cœur, a été et est encore honorée de la part de ses enfants, d’Alcinoos lui-même et du peuple, qui, la considérant certes comme une déesse, la saluent par des paroles, quand elle parcourt la ville. En effet elle ne manque pas d’un noble esprit ; de ceux pour qui elle a de la bienveillance, même si ce sont des hommes, elle dénoue les querelles. Si elle au moins éprouve des sentiments bienveillants en son cœur, tu as l’espoir de voir tes amis, et d’aller dans ta haute demeure et dans la terre de ta patrie. »
Ayant parlé ainsi, Athéna aux yeux pers partit sur la mer infinie (stérile), elle quitta l’aimable Schérie et se dirigea vers Marathon et Athènes aux larges rues, entra dans la solide demeure d’Érechthée.
Commentaire :
·
Le vers 55 semble contradictoire
avec ceux qui suivent, puisqu’il fait d’Arété la sœur d’Alcinoos ;
mariage divin, comme celui de Zeus et d’Héra, ou celui des Pharaons. Dans ce
cas, les vers 56-74, qui présentent Arétè comme la nièce d’Alcinoos,
seraient interpolés, et dateraient d’une époque ou le mariage entre frère
et sœur était proscrit. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une endogamie.
·
Le nom même d’Arétè (Ἀρήτη)
rappelle à la fois le nom d’Arès (Ἄρης)
et celui de la vertu (ἀρετή) ;
cela renforce sa nature divine, et explique le culte dont elle est l’objet. Sa
fonction est civilisatrice : elle apaise les conflits. Elle est donc
l’intercesseur idéal entre Ulysse et Alcinoos. Elle a pourtant une hérédité
chargée, puisqu’elle est l’arrière-arrière petite fille du roi des Géants,
qui voulut arracher à Zeus sa suprématie ! C’est ici l’unique mention
de la gigantomachie chez Homère ; elle sera longuement développée chez Hésiode,
dans la Théogonie.
·
Fin du passage : les dieux se
déplacent très vite… Stace s’en souviendra pour décrire les déplacements
de Thétis dans l’Achilléide.
V.
81-134 : description du palais d’Alcinoos
81-111 : le palais
ἴε
< εἶμι :
aller
ὁρμαίνω :
s’agiter
οὐδός,
οῦ :
le seuil
πέλω :
s’avancer, d’où πέλεν :
« il y avait », « on pouvait voir »
τοῖχος,
ου :
mur ; les χάλκεοι
τοῖχοι
sont des plaques murales de bronze
ἐληλέδατο
< ἐλαύνω,
plus que parfait. « se poussaient », « couraient » ;
cf. v. 95 ἐρηρέδατο
< ἐρείδω.
μυχός,
οῦ :
partie la plus reculée d’une maison, d’une chambre ; fond du
palais
θριγκός,
οῦ :
frise. Dans les demeures mycéniennes, on a trouvé quelques fragments d’émail
bleu foncé désigné ici sous le nom de κυάνος
κυάνος,
ου :
substance bleu sombre
εἴργω :
enclore
σθατμός,
οῦ :
pilier soutenant le toit, colonne
τὸ
ὑπερθύριον,
ου :
poutre de pierre transversale au-dessus d’une porte, linteau
κορώνη,
ης :
poignée de porte
κύνες
< κύων,
κυνός :
chien. Comparer ces chiens merveilleux aux servantes en or qui, dans l’Iliade,
XVIII, 418, travaillent pour Héphaïstos. Homère semble avoir été fasciné
par les automates…
τεύχω :
fabriquer
ἰδυίῃσι
πραπίδεσσι : par son
art ingénieux (formule homérique, s’applique à Héphaïstos)
φυλασσάμεναι :
infinitif futur de but
ἀγήρως,
ως,
ων :
toujours jeune
ἐν
δὲ :
à l’intérieur
ἐρηρέδατο
< ἐρείδω :
même formation que le plus que parfait ἐληλέδατο
< ἐλαύνω
(v. 86) : s’appuyer sur
διαμπερές :
de part en part, sans cesse
λεπτός,ή,
όν :
fin, délicat
ἐΰνητος,
ος,
ον :
bien tissé
ἐδριάω-ῶ :
être assis
ἐπηετανόν :
abondamment
ἔχεσκον :
fréquentatif d’ἐχω :
ils avaient sans cesse (de quoi manger)
ἐϋδμήτος,
ος,
ον :
bien construit
βωμός,
οῦ :
piédestal, socle de statue (les jeunes gens d’or sont des statues servant
de lampadaires)
δαιτυμών,
όνος :
hôte invité à un repas
ἀλετρεύω :
moudre
μύλη,
ης :
meule à moudre le grain
μήλωψ,
οπος :
jaune coing ou vert pomme ; ici, plutôt jaune !
ὑφάω-ῶ
= ὑφαίνω :
confectionner un tissu, tisser
μακεδνός,ή,
όν :
haut, élevé (se dit du peuplier)
καιροσέων :
génitif pluriel d’un adj. obscur : bien tressé, solidement tissu,
ou « qui sont sur les lisses », qu’on est en train de
travailler.
ὀθονέων
< ὀθονή,
ῆς :
toile fine
ἀπολείβομαι :
tomber goutte à goutte ; l’huile servait à rendre les fils plus
glissants et plus brillants.
ἴδριες
< ἴδρις :
savant, instruit
θοός, ή, όν : rapide
Traduction :
De
nombreuses pensées agitaient son cœur, à lui qui se tenait là, avant
d’arriver devant le seuil de bronze. En effet il y avait comme un éclat de
soleil ou de lune sur la haute demeure d’Alcinoos au grand cœur. En effet les
murs de bronze couraient çà et là, du seuil vers le fond du palais ;
autour il y avait une frise bleu sombre. Des portes d’or fermaient la solide
demeure. Des colonnes d’argent se dressaient sur le seuil de bronze ;
au-dessus était le linteau d’argent, et une poignée d’or. De chaque côté
étaient des chiens d’or et d’argent, qu’Héphaïstos avait fabriqués de
son art ingénieux, pour garder la maison d’Alcinoos au grand cœur, immortels
et toujours jeunes. A l’intérieur, des trônes s’appuyaient ici et là
contre les murs. Du seuil vers la grande salle de part en part, avaient été
jetées sur eux des étoffes fines, bien tissées, œuvre des femmes ; là
étaient assis les chefs des Phéaciens, buvant et mangeant ; ils avaient
sans cesse de quoi manger en abondance. Des jeunes hommes d’or se tenaient
debout sur des socles bien construits, tenant à la main des torches allumées,
éclairant les convives durant la nuit dans la demeure. Cinquante servantes,
dans la maison, pour Alcinoos, les unes écrasaient sur des meules le blé
jaune, les autres tissaient des toiles et tournaient leurs quenouilles, assises,
comme s’agitent les feuilles du haut peuplier. Des toiles bien tissés / sur
les lisses (καιροσέων) tombait
goutte à goutte l’huile liquide. Autant les Phéaciens sont savant, au-dessus
de tous les hommes, pour lancer sur la mer un navire rapide, autant les femmes
pratiquent avec art le tissage. En effet Athéna leur a donné particulièrement
la science des ouvrages admirables, et une noble
intelligence.
V.
112-133 : le jardin
ἔκτοσθεν +
génitif : hors de
ὄρχατος,
ου :
parc, jardin
τετράγυος :
de 4 arpents (l’arpent, γυή,
ῆς
correspond à une journée de labour)
ἕρκος :
clôture
τηλεθάω-ῶ :
pousser avec force, être vigoureux
ὄγχνη,
ης :
le poirier
ῥοία,
ας :
le grenadier
μηλέα :
le pommier
ἀγλαιόκαρπος,
ος,
ον :
aux fruits splendides
συκέα :
le figuier
γλυκερός,
ά,
όν :
au goût sucré
ἐλαῖα :
l’olivier
θέρευς
= τοῦ
θέρους :
l’été
ἐπετήσιος :
de chaque année
πέσσω :
faire mûrir
σταφυλή,
ῆς :
grappe de raisin mûr
ἐπὶ :
sur (accumulation : poire sur poire, pomme sur pomme…)
ἀλωή,
ῆς :
vignoble
ῥιζόω-ῶ :
prendre racine
εἰλόπεδον
s’oppose à ἕτερον :
la partie exposée au soleil
λευρὸς
χώρος :
lieu uni, lisse
τέρσομαι :
sécher
τρυγάω-ῶ :
vendanger
τραπέω-ῶ :fouler
le raisin
πάροιθε :
en avant, dans la partie antérieure
ὄμφαξ,
ακος :
raisin vert
ἄνθος
ἀφιεῖσαι :
« laissant tomber leur fleur »
ὑποπερκάζω :
commencer à mûrir
[127] κοσμητής,
ής, ές :
bien rangé
πρασιά :
planches, plates-bandes
νείατος :
le plus nouveau
ὄρχος :
vignoble
παντοῖα :
varié
γανάω :
être brillant
κῆπος,
ου :
jardin
σχίδναμαι :
se répandre
ἵησι : intransitif : « jaillit »
Traduction :
Hors de la cour se trouve un grand jardin de quatre arpents près des portes. Tout autour une clôture court des deux côtés. Ici poussent de grands arbres, vigoureux, poiriers, grenadiers et pommiers aux fruits splendides, figuiers domestiques et vigoureux oliviers. Jamais leurs fruits ne sont perdus ni ne manquent, ni hiver, ni été, chaque année. Mais toujours le Zéphyr qui souffle fait croître les uns, fait mûrir les autres. La poire mûrit après la poire, la grappe après la grappe, la figue après la figue. Là pousse un vignoble aux nombreux fruits, dont une partie, exposée en plein soleil, sur un terrain lisse sèche au soleil ; on récolte d’autres grappes, et on en foule d’autres. Plus loin il y a des raisins verts qui laissent tomber leurs fleurs. D’autres commencent à mûrir. Là se trouvent des plates-bandes bien rangées près du plus récent vignoble, de toutes sortes, éclatantes tout au long de l’année. Là s’écoulent deux sources ; l’une arrose tout le jardin, l’autre, de l’autre côté, jaillit sous le seuil de la cour vers la maison aux toits élevés, d’où les habitants puisent de l’eau. Tels étaient les brillants présents des Dieux dans la maison d’Alcinoos. Le divin Ulysse qui a tant souffert, se tenant là, admirait.
Commentaire :
Dans
ce jardin merveilleux, il y a en toute saison des raisins à tous les stades de
mûrissement. On utilisait la vigne de trois manières : des fruits secs
que l’on gardait en réserve, des fruits frais, et bien sûr le vin.
Saint-Amant
s’est peut-être souvenu de ce passage en décrivant « l’Automne des
Canaries » :
5 |
SAINT-AMANT (1594-1661) L’Automne des Canaries Voici les seuls
coteaux, voici les seuls vallons Les figues, les
muscats, les pêches, les melons Les cannes au doux
suc, non dans les marécages, L’orange en même
jour y mûrit et boutonne, Œuvres poétiques, 1649. 1.
Bacchus : dieu de la vigne et du vin ; Pomone, divinité des
fruits et des jardins. |
V.
134-157 : Ulysse se présente en suppliant
μέδω :
s’occuper de ; οἱ
μέδοντες :
les notables
σπένδω :
faire une libation
δεπάεσσι :
datif pluriel de τὸ
δέπας :
les coupes
Ἀργεϊφόντης :
Hermès, le dieu qui, de sa baguette, endort ou éveille (ἐγείρω)
les hommes ; peut désigner aussi « le meurtrier d’Argos »
(bouvier aux cent yeux, tué par Hermès pour lui dérober ses bœufs) ;
dans les deux cas, il s’agit peut-être d’étymologies populaires.
πύματος :
le dernier
κοῖτος,
ου :
couche, lit
ὄφρα
+ indicatif : jusqu’à ce que
ἀθέσφατος,
ος,
ον :
inexprimable
χύτο
= aoriste moyen épique, 3ème pl. de χέω :
χύτο
πάλιν
ἀήρ,
« la vapeur se dissipa »
ἄνεω
+ verbe au sing. = en silence ;
vient d’un *ἄνεως
obscur.
λιτανεύω :
adresser des prières, supplier
ἀντίθεος,
ος,
ον :
semblable aux dieux
μογέω-ῶ :
souffrir
ὄλβια,
ας :
le bonheur ; ὄλβια
δοῦναι ζωέμεναι
= accorder de vivre dans le bonheur (formule homérique)
ἐπιτρέπω :
transmettre
ὀτρύνω :
presser
πῆμα,
πήματος :
épreuves, maux
ἡ
κονία,
ας :
la cendre
ἀκήν :
sans faire de bruit ; σιωπῇ :
sans souffler mot
ὀψέ :
plus tard
προγενέστερος,
α,
ον :
le plus âgé
κέκαστο = plus-que-parfait d’un verbe *κάζω = καίνυμαι : l’emporter sur
Traduction :
Puis, lorsqu’il eut admiré en son cœur tout cela, rapidement il franchit le seuil et entra dans la maison. Il trouva les chefs des Phéaciens et les notables faisant des libations avec leur coupe à Argéiphontès, le bon guetteur, à qui ils avaient l’habitude d’offrir des libations en dernier, quand ils pensaient à leur lit. Puis le divin Ulysse aux mille maux marcha à travers la demeure, ayant l’épaisse nuée qu’Athéna avait versé sur lui, jusqu’à ce qu’il arrivât devant Arété et le roi Alcinoos. Alors Ulysse jeta ses mains autour des genoux d’Arété, et la nuée inexprimable se dissipa à nouveau, loin de sa personne. Les Phéaciens se turent en voyant un mortel dans la demeure, et ils s’étonnaient de le voir. Ulysse prononça cette prière : « Arété, fille de Rhéxénor semblable aux dieux, femme vénérée du divin Alcinoos, je viens vers ton époux et à tes genoux, ainsi que vers tes hôtes, ayant beaucoup souffert. Que les dieux leur accordent de vivre heureux, et que chacun transmette à ses enfants ses biens dans le palais, et la part d’honneur que le peuple lui a donnée. Mais pressez mon retour pour que j’arrive au plus vite dans ma patrie, puisque depuis longtemps, loin de mes amis, je souffre des maux. » Ayant parlé ainsi il s’assit près du foyer dans la cendre, près du feu. Puis tous restèrent sans faire de bruit ni souffler mot. Puis le vieil héros Échénéos, qui était le plus âgé des Phéaciens et l’emportait par son éloquence, sachant beaucoup de choses anciennes, prit la parole. Et dans sa sagesse il s’adressa à eux et dit :
V.
158-181 : l’hopitalité des Phéaciens
158-166 :
discours d’Echénéos
χαμαί :
à terre
οἵδε :
ceux qui sont ici
ἰσχανόωνται :
ils se retiennent (de parler)
ποτιδέγμενοι
< προσδέχομαι :
en attendant
(σὸν μῦθον)
εἶσον
= impératif aoriste de ἕζω :
faire asseoir
ἀργυρόηλος,
ος, ον :
clouté d’argent
ἐπικρῆσαι
< ἐπικεράννυμι :
mélanger en plus (l’eau et le vin) : on utilisait du vin coupé
d’eau, aromatisé de miel, pour les libations
τερπικέραυνος
Ζεύς :
Zeus qui se plaît à lancer la foudre
δόρπον :
repas du soir, souper
ταμία,
ας :
intendante
ἔνδον ἐόντων : parmi les réserves
166-185 :
hospitalité d’Alcinoos
ἱερὸν
μένος
Ἀλκινόοιο :
vieille expression formulaire de majesté ; mot à mot : « la
force sacrée d’Alcinoos », c’est-à-dire « le puissant et
divin Alcinoos ». Figure rhétorique de l’abstraction.
δαΐφρων,
φρονος :
sage (épithète d’Ulysse, Alcinoos…)
ποικιλόμητις :
riche en expédients. Épithète plus spécifique d’Ulysse, et ici assez
peu conforme au contexte.
ἐσχαρόφιν :
instrumental devenu un datif
φαεινός,
ή,
όν :
brillant, éclatant
ἀγαπήνωρ :
viril, courageux
χέρνιψ,
ιβος :
eau pour se laver
ἡ
προχόος-ούς,
όου-οῦ : aiguière
λέβης,
ητος :
chaudron, ou vase pour laver les mains ou les pieds
νίψασθαι :
infinitif aoriste moyen de νίπτω,
(se) laver les mains
τανύω
τράπεζαν :
dresser une table
ξεστός,
ή,
όν :
poli
χαριζομένη
παρεόντων
: faisant honneur de ses réserves. Le mot désigne les mets destinés à
fournir un en-cas pour les hôtes inattendus.
Les
vers 172-176 reprennent mot pour mot les vers 136-140 du chant I ; là Athéna
était reçue par Télémaque. Cela montre que l’accueil d’un hôte répond
à un rituel très précis, toujours le même ; il a un caractère sacré.
μέθυ :
boisson fermentée, vin
[182]
ἐκίρνα
< κιρνάω-ῶ :
mélanger
ἐπαρξάμενος δεπάεσσι < ἐπαρχομαι : terme de rituel : verser à la ronde, dans les coupes, la première part de vin destinée à la libation au dieu (après quoi on servait le vin à boire).
Traduction :
« Alcinoos,
il n’est ni bien ni convenable qu’un étranger reste à terre près du
foyer, dans la cendre ; les
gens d’ici se retiennent, attendant que tu parles. Mais allons, fais lever
l’étranger et fais-le asseoir sur un trône clouté d’argent. Toi, ordonne
au héraut de mêler le vin pour que nous fassions des libations aussi à Zeus
lanceur de foudre, qui accompagne les respectables suppliants. Qu’une
intendante donne un souper à l’étranger, pris dans les réserves. »
Alors quand le puissant et divin Alcinoos eut entendu ces paroles, ayant pris
par la main le sage Ulysse, aux mille ruses, il le fit lever du foyer et le fit
asseoir sur un trône brillant, ayant fait lever son fils, le courageux Laodamos
qui était assis tout près de lui. C’était son préféré. Une servante
versa de l’eau qu’elle apportait dans une belle aiguière d’or, au-dessus
d’un bassin d’argent, pour se laver les mains, et devant, elle dressa une
table polie ; une honorable intendante apporta la nourriture et la servit,
y plaçant beaucoup de mets, donnant généreusement de ses provisions. Le divin
Ulysse qui avait beaucoup souffert but et mangea. Le puissant Alcinoos adressa
alors la parole au héraut : « Pontonos, mélange le
contenu d’un cratère, et distribue le vin à tous dans le palais, afin
que nous fassions des libations à Zeus lanceur de foudre, qui accompagne les
respectables suppliants. » Il parla ainsi ; Pontonos mélangea le vin
à l’odeur de miel, il le distribua à tous et remplit les coupes à la ronde.
Puis, lorsqu’ils eurent fait les libations et bu autant que leur cœur le
voulait, Alcinoos leur adressa la parole et dit :
V.
186-206 : discours d’Alcinoos.
σθῆτος,
ους
: poitrine
κατακείω
(seul présent au sens de futur) : aller se coucher
ξενίζω
(ou ionien ξεινίζω) :
traiter en hôte
ῥέζω
ἱερὰ
καλά :
faire de beaux sacrifices
ἄνευθε
+ génitif : loin de
ἡ
ἁνία,
ας :
chagrin
μεσσηγύς :
dans l’intervalle (temporel)
ἡ
Αἷσα,
ης :
la Destinée
αἰ
Κλῶθες :
les Fileuses, les Parques
κατα
modifie νήσαντο
< νέω
(aoriste épique) : filer
οἱ
γεινομένῳ :
à lui naissant = à sa naissance
λίνον,
ου :
fil de lin, fil des Parques
περιμηχανάομαι-ῶμαι
:
tramer
ἄλλό
τι :
« autre » è inhabituel, étrange
πάρος
: jusqu’ici, auparavant ; avec un verbe au présent, « d’habitude »
ἐναργής,
ής,
ές :
en personne
εὖτε :
lorsque, tandis que
ἀγακλειτός,
ή,
όν :
somptueux
ὁ
ὁδίτης :
voyageur
συμβάλλω : rencontrer
Traduction :
« Écoutez, chefs et notables des Phéaciens, que je dise ce que mon cœur m’ordonne dans ma poitrine. Maintenant, après avoir participé au festin, allez vous coucher en retournant chez vous. Dès l’aurore, ayant appelé les Anciens en grand nombre, nous ferons fête à l’étranger dans le palais et nous accomplirons de beaux sacrifices pour les dieux, ensuite nous réfléchirons à son retour, afin que l’étranger retourne rapidement dans sa patrie, loin de la peine et du chagrin, sous notre conduite, heureux, même si elle est très éloignée, et afin que dans l’intervalle il n’éprouve pas quelque souffrance ou quelque mal, avant d’aborder sur sa terre. Alors ensuite, il éprouvera tout ce que pour lui la Destinée et les lourdes Parques ont filé pour lui à sa naissance, quand sa mère l’a mis au monde. Et si c’est l’un des Immortels venu du ciel, c’est que les Dieux nous préparent quelque chose d’inhabituel ; toujours en effet les dieux actuellement nous apparaissent en personne, lorsque nous leur offrons de somptueuses hécatombes, ils festoient avec nous, assis ici parmi nous. Si alors quelque voyageur, même marchant seul, les rencontre, ils ne se cachent pas, puisque nous leur sommes proches, comme les Cyclopes et la race farouche des Géants. »
Commentaire :
Il
existe trois sortes de Cyclopes :
-
les cyclopes ouraniens :
artisans des foudres de Zeus, tués (ou leurs fils) par Apollon après la mort
de Phaeton.
-
Les cyclopes siciliens, représentés
par Polyphème : anthropophages, êtres sauvages – ceux-là même qui ont
chassé les Phéaciens de chez eux ; ils seraient peut-être la
personnification des volcans.
-
Les cyclopes constructeurs,
fabricants des murailles « cyclopéennes » de l’époque mycénienne
(que l’on trouve à Mycènes, Tyrinthe, Chéronée…).
V.
207-225 : discours d’Ulysse.
τὸ
δέμας :
le corps, la taille
ἡ
φυή : prestance, beauté
ὀχέω :
supporter, souffrir
ἡ
ὀϊζύς :
l’infortune
ὅσσα :
ici, explicatif : étant donné tout ce que…
θεῶν
ἰότητι :
par la volonté des dieux
δορπέω :
souper
κηδόμενος :
être affligé
ἐπὶ : en
comparaison de
στυγερός,
ά,
όν :
affreux, horrible, tyrannique
κύντερος,
α,
ον :
plus impudent, pire
ἔπλετο :
l’aoriste de πέλομαι
a le sens d’un présent. « le besoin atteint quelqu’un »
τειρόμενος,
η,
ον :
brisé de fatigue
ληθάνει
< λανθάνω :
« fait oublier »
[221]
ἀνώγω :
commander, exhorter à
ὀτρύνομαι :
presser, exciter
ἠοῖ
< ἠώς (datif) : l’aurore
αἰών :
temps, vie
Traduction :
Ulysse aux
mille ruses, prenant à son tour la parole, dit : « Alcinoos,
qu’une autre pensée occupe ton esprit. En effet, je ne ressemble pas aux
Immortels qui habitent le vaste ciel, ni en taille, ni en beauté, mais aux
hommes mortels. Ceux que vous voyez traîner le plus d’infortune, c’est à
eux que je pourrais être égalé. Et je pourrais raconter des maux encore plus
nombreux, vu tout ce que j’ai subi, par la volonté des Dieux. Mais
laissez-moi souper, malgré mon affliction. En effet rien n’est plus impudent
qu’un estomac tyrannique, qui ordonne de se souvenir de lui, nécessairement,
même quand on est brisé de fatigue et qu’on a le deuil dans l’âme, comme
moi je l’ai ; il m’oblige toujours à manger et à boire, et me fait
oublier tout ce que je souffre, et m’exhorte à le remplir. [221] Vous, hâtez-vous,
à l’aube brillante, de me renvoyer, moi le malheureux, dans ma patrie, malgré
mes souffrances ; que la vie me quitte, quand j’aurai vu mon bien, mes
servantes et ma grande maison élevée. »
V.
226-239 : intermède
κακκείοντες
< κατακείω :
aller se coucher
ἔντεα
δαιτός :
la vaisselle du repas
τοῖσιν :
« à eux » : ne représente pas les domestiques, mais
Alcinoos et Ulysse, restés seuls avec elle dans le « Mégaron »,
la grande salle
φᾶρος :
écharpe
ἐπεα
πτερόεντα
προσηύδα : « elle prononça
ces paroles ailées » : formule homérique
ἐγών
= ἐγώ
Traduction :
Tous alors
approuvèrent et ordonnèrent de renvoyer l’étranger, puisqu’il parlait
convenablement. Mais lorsqu’ils eurent fait des libations et bu autant que le
voulait leur cœur, les uns, ayant envie de se coucher, s’en retournèrent
chacun chez soi ; mais le divin Ulysse resta dans la grande salle. Auprès
de lui se tenaient Arété et Alcinoos semblable aux dieux. Les serviteurs
desservirent la vaisselle du repas. Arété aux bras blancs s’adressa [aux
hommes] en ces termes. Elle reconnut en effet en les voyant les beaux vêtements,
écharpe et tunique qu’elle avait tissés avec ses servantes. Elle prit la
parole et prononça ces mots ailés : « Étranger, tout d’abord je
t’interrogerai moi-même. Qui es-tu ? De quel pays ? Qui t’a donné
ces vêtements ? N’as-tu pas dit que tu es arrivé ici, en errant sur la
mer ? »
V.
240-297 : Premier récit d’Ulysse.
ἀργαλέον :
difficile
διηνεκέως :
de manière suivie
ἀνέρομαι :
interroger
μετελλάω-ῶ :
chercher à savoir
ὠγύγιος,
α,
ον :
très ancien
ἀπόπροθεν :
loin en avant
[247]
μίσγω :
avoir commerce avec
ἐφέστιον :
attribut : « qui vient s’asseoir au foyer comme suppliant »
ἐκκαίω :
incendier
οἷνοψ :
couleur de vin, vineux
ἀπέφθινεν :
aoriste 1 passif, 3ème pl. de ἀποφθίνω :
faire périr
τρόπις :
quille ou carène d’un navire
ἀγκάς :
dans ou sur les bras
ἀμφιελίσσος,
η,
ον :
à la double courbure
ἐννῆμαρ :
pendant neuf jours
πέλασαν
< πελάζω :
faire approcher, jeter
ἐνδυκέως :
avec sollicitude
ἔμπεδον :
immuablement, sans discontinuer
δάκρυσι
δεύω :
arroser de larmes
ὄγδοον :
scander ‒ ‒ (compter οον
comme une voyelle longue)
ἐπιπέλομαι :
s’avancer
ἐποτρύνω :
pousser, exciter
σχεδία,
ας :
radeau
πολύδεσμος,
ος,
ον :
aux nombreux clous
ἕννυμι,
ἕσω, ἕσσα : vêtir
προέηκα
< προίημι :
envoyer
ὁ
οὖρος,
ου :
vent favorable
ἀπήμων,
ονος :
favorable
λιαρός,
ά,
όν :
doux, tiède
[267]
σκιόεις :
ombreux
γηθέω-ῶ :
se réjouir
ἐφορμέω :
bloquer
καταδέω :
fermer ; ἡ
κέλευθος,
ου :
le chemin
ὄρίνω :
soulever
τὸ
κῦμα,
ματος :
la vague
ἁδινά :
longuement, fort
στενάχω
: gémir
[275]
διασκεδάννυμι :
détruire, disloquer
ἡ
θύελλα,
ας :
l’ouragan
νήχομαι :
nager
τὸ
λαῖτμα
διατμήγω :
fendre le flot
ἐκβαίνω :
débarquer. « si j’essaie d’aborder » cf. V, 415.
ἡ
χέρσος,
ου :
la terre ferme
ἀτερπής,
ής,
ές :
funeste
[280]
ἀναχάζομαι :
reculer
τῇ :
adverbe ; « là où »
vers
281-282 = V, 442-443
λεῖος,
α,
ον :
lisse, doux
τὸ
σκέπας
ἀνέμοιο :
un abri contre le vent. Cf. VI, 210.
θυμηγερέω :
reprendre son courage, ou ses sens
ἀμβροσία,
ας :
divine
διιπετής,
ής,
ές :
qui tombe de Zeus, formé d’eau pluviale
ὁ θάμνος,
ου :
buisson
καταδαρθάνω :
s’endormir
φύλλα
ἀφύσσομαι :
se faire un lit de feuilles
ἀπείρων,
ονος :
infini, sans limites
τετιημένος,
η,
ον
< τετίηα :
être triste
παννύχιος :
toute la nuit
[290]
ὁ
/ ἡ
θίς,
θινός :
le sable
ἱκετεύω :
venir en suppliant
ἤμβροτεν :
forme éolienne de ἤμαρτεν :
« manqua »
ἀντίασας,
αντος :
le premier venu
οὐκ
ἂν
ἔλποιο
: on ne s’attendrait pas à voir…
ἑρξέμεν <
εἵργω :
contenir, renfermer
ἀφραδέω-ῶ :
agir en insensé
ἅλις :
abondamment
αἴθοψ,οπος :
couleur de feu
ἀχνύμενος : affligé
Traduction :
[240]
Ulysse aux mille tours lui dit en réponse : « Il est difficile,
reine, de dire de manière suivie mes malheurs, puisque les dieux ouraniens
m’en ont donné beaucoup. Mais je te dirai ce que tu cherches à savoir en
m’interrogeant. Une île très ancienne se trouve au loin dans la mer, là
habite la fille perfide d’Atlante, Calypso aux belles boucles, la terrible déesse.
Nul n’a commerce avec elle, ni parmi les dieux, ni les hommes mortels. Mais un
démon m’a moi seul conduit ici, à son foyer, puisque Zeus, ayant frappé de
sa foudre brillante mes rapides navires les incendia au milieu de la mer
vineuse. Là, tous mes valeureux compagnons périrent. Moi, prenant dans mes
bras la quille de mon navire à la double courbure, je fus porté neuf jours. La
dixième nuit noire, les dieux me jetèrent sur une île très ancienne, où
habite Calypso aux belles boucles, la terrible déesse, qui, m’ayant pris,
m’aima et me nourrit avec sollicitude, et me dit qu’elle me rendrait
immortel et éternellement jeune. Mais jamais elle ne convainquit mon cœur dans
ma poitrine. [259] Là, je restai sept ans sans bouger, et j’arrosais sans
cesse de larmes les vêtements immortels que m’avait donnés Calypso. Mais
lorsque vint pour moi la huitième année qui s’était approchée, alors elle
m’ordonna et me poussa à partir, sur l’ordre d’un messager de Zeus, ou
bien son esprit avait changé, et elle m’envoya sur un radeau aux clous
nombreux, me donna beaucoup de nourriture et de vin agréable et me revêtit
d’habits immortels, et elle m’envoya un vent favorable, doux et propice.
Durant dix-sept jours je voguai sur la mer. Le dix-huitième jour apparurent les
montagnes ombreuses de votre terre ; mon cœur se réjouit, malheureux que
j’étais ! car j’étais
sur le point de subir encore une grande infortune, que m’envoya Poséidon l’Ébranleur
du sol qui, m’ayant fermé le chemin déchaîna les vents, souleva une mer
inexprimable, et une vague ne me laissa pas même porté sur le radeau, moi qui
gémissais longuement ; [275] puis l’ouragan le disloqua. Quant à moi je
fendais ce flot à la nage jusqu’à ce que le vent et l’eau, me portant,
m’eurent jeté vers votre terre, mais si j’avais abordé là, le flot m’eût
frappé sur la terre ferme, me drossant contre de grands rochers et un funeste
lieu ; mais reculant, je nageai en arrière jusqu’à ce que j’arrive à
un fleuve, là où la région me parut la meilleure, vide de rochers, et où il
y avait un abri contre le vent, et là je tombai, reprenant mes esprits. La nuit
divine survint. Moi, ayant débarqué à l’écart du fleuve formé par Zeus,
je m’endormis dans les buissons, après m’être fait un lit de feuilles ;
un dieu me versa un sommeil infini. Là, dans les feuilles, le cœur affligé,
je dormis toute la nuit, jusqu’à l’aube et au milieu du jour. Le soleil
s’enfonça, et le doux sommeil me quitta. Et j’aperçus les servantes de ta
fille qui jouaient sur le sable. Elle était au milieu d’elles, semblable à
une déesse. Je vins la supplier. Elle ne manqua pas de noble bon sens, comme on
ne s’attendrait pas à voir un être jeune quelconque en contenir. Toujours en
effet les jeunes agissent en insensés. Elle me donna de la nourriture en
abondance et du vin couleur de feu, elle me fit laver dans le fleuve et me donna
les vêtements que voici. Ce que je viens de te dire, moi qui suis affligé, est
la vérité. »
Commentaire :
Contrairement
aux récits modernes, Ulysse ne commence pas par répondre aux dernières
questions d’Arété – dont l’auditeur connaît la réponse – mais
reprend son récit de manière chronologique. Il sera écouté sans être
interrompu, et sans que ses auditeurs ne manifestent la moindre impatience.
L’épisode
chez Calypso : frappant par sa
longue durée (7 à 8 ans) ; mais la déesse, bien que qualifiée de
« terrible », apparaît ici comme une hôtesse parfaite et généreuse,
et une femme amoureuse, dont on devine la frustration… Notons qu’Ulysse
ignore ce que le lecteur, lui, sait : l’envoi d’Athéna auprès de
Calypso.
Navigation
et tempête : Noter la répétition
des nombres : 7 années accomplies chez Calypso, 17 jours pleins de
navigation. Le chiffre 8 semble apporter rupture et/ou malheur…
Rencontre
avec Nausicaa : Ulysse met en
valeur les qualités exceptionnelles de la jeune fille, beauté et intelligence,
peut-être pour se concilier ses parents. Récit assez bref : le lecteur
connaît déjà l’histoire.
V.
298-307
ἐναίσιμος :
convenable
ἀμύμων,
ων,
ον :
irréprochable
νεικέω-ῶ :
quereller, blâmer. Valeur du présent
: « ne continue pas à blâmer »
ἐπισκύζομαι :
s’irriter contre
δύσζηλος, ος, ον : envieux, jaloux
Traduction :
Alcinoos
prit la parole à son tour et parla ainsi. « Mon hôte, assurément ma
fille n’a pas songé cela convenablement, puisqu’elle ne t’a pas conduit
à notre maison avec ses suivantes. C’est pourtant elle que tu as supplié la
première. » Ulysse aux mille ruses, prenant la parole à son tour, dit :
« Héros, ne blâme pas pour cela ton irréprochable fille. Elle
m’ordonnait en effet de la suivre avec ses servantes. C’est moi qui n’ai
pas voulu, par crainte et par respect, de peur qu’à cette vue ton cœur ne
s’irritât. Nous, les êtres humains, sommes envieux, sur cette terre. »
Commentaire :
Alcinoos se montre très rigoureux sur les obligations de l’hospitalité,
preuve du caractère rituel et sacré de ses lois.
V.
308-328 :
discours d’Alcinoos
[310]
μαψιδίως :
sans raison
αἴσιμα :
des choses mesurées, sensées (n. pl.) è la mesure
γαμβρός :
gendre
ἀέκων,
οντος :
contre [ton] gré
ἐρύω :
tirer quelqu’un par le pied ou la main ; ici = retenir
τεκμαίρομαι :
décider, fixer
γαλήνην
ἐλαύνειν :
sillonner une mer calme
ἑκαστέρω
< ἑκάς :
loin
ἐποράω,
όψομαι... :
aller voir
γαιήϊος :
né de la terre
κάματος :
peine, fatigue
ἀπήνυσαν
< ἀπανύω :
arriver au terme (d’un voyage)
ἀναρρίπτω :
faire voler l’eau
πηδόν, οῦ : rame
Traduction :
Alcinoos,
prenant la parole à son tour, lui répondit : « Mon cœur dans ma
poitrine n’est pas disposé à se mettre vainement en colère. La mesure est
meilleure en tout. Qu’il plaise à Zeus le père, à Athéna, et à Apollon,
étant tel que tu es, et ayant précisément les mêmes pensées que moi, que tu
aies ma fille et que tu sois appelé mon gendre, en restant ici ! Je te
donnerais ma maison et mes biens, si tu voulais rester. Mais contre ton gré
aucun Phéacien ne te retiendra. Puisse cela ne pas plaire à Zeus le père !
Je fixe ton retour dès maintenant, pour que tu le saches bien : c’est
pour demain. A ce moment, tu dormiras, pris sous le joug du sommeil, et ils
sillonneront la mer calme pour que tu rentres dans ta patrie et dans ta maison,
et dans quelque lieu que tu veuilles aller, [et même si c’est beaucoup plus
loin que l’Eubée, celle que disent très éloignée ceux de notre peuple qui
l’ont vue, lorsqu’ils conduisirent le blond Rhadamante pour qu’il rendît
visite à Tityos, le fils de la terre ; et ils allèrent là-bas sans
fatigue, accomplirent ce voyage le même jour et revinrent chez eux ensuite. Tu
comprendras toi-même combien nos navires sont les meilleurs, ainsi que nos
jeunes gens, pour soulever l’écume avec la rame]. »
Commentaire :
D’aucuns
ont estimé totalement invraisemblable qu’Alcinoos donne sa fille à un
parfait inconnu ; mais cela arrive souvent dans les vieilles légendes :
ainsi Bellérophon ou Tydée épousèrent la fille du Roi chez qui ils étaient
de passage ; et de même, c’est le mariage – impromptu – du Phocéen
Euxène et de la princesse Gyptis qui décida de la fondation de Marseille…
Quant
aux Phéaciens, ils se présentent d’eux-mêmes comme des marins miraculeux,
dont les déplacements sont presque aussi rapides que ceux des dieux eux-mêmes.
V.
329-347 : derniers préparatifs.
ἐπὶ
ζείδωρος
ἄρουραν :
sur la terre féconde. Cf. Hésiode, Travaux.
ἄσβεστος :
inextinguible, éternel
δέμνια :
matelas (n. pl.)
αἰθούση,
ης :
galerie
ῥήγος,
ους : étoffe teinte, tapis ou couverture
στορέσαι
< στορέννυμι :
étendre
ἐφύπερθε :
par-dessus
ὁ
τάπης,
ητος :
tapis
ἡ
χλαίνα,
ης :
couverture
οὖλος,
η,
ον :
entier, épais
ἕσασθαι
< ἕννυμι
(infinitif aoriste moyen) : vêtir
δάος,
ους : torche
ἐγκονέω-ῶ :
se hâter
ὄρσο
= impératif aoriste d’ ὄρνυμι :
se lever
φάν
= ἔφασαν
ἀπαστός,
ός,
όν :
agréable
τρητός,
οῦ :
lit percé de trous pour recevoir les sangles
ἐρίδουπος : sonore
Traduction :
Il parla ainsi ; le divin Ulysse qui a beaucoup souffert se réjouit, et dans sa prière, il prononça ces paroles et formula ces mots : « Ô Zeus père, si seulement Alcinoos accomplissait tout ce qu’il a dit ! Sa gloire serait éternelle sur la terre féconde, et moi je retournerais dans ma patrie. » Ainsi ils échangeaient de telles paroles entre eux. Arété aux bras blancs ordonna à ses servantes de placer le cadre du lit sous la galerie et d’y étendre de belles couvertures de pourpre et d’y étendre des tapis (couettes ?) et de placer par-dessus des manteaux de laine épais pour se couvrir. Elles sortirent de la grande salle avec une torche à la main. Puis, lorsqu’elles eurent étendu la couche épaisse en se hâtant, elles pressèrent Ulysse et dirent en la lui présentant : « Lève-toi et viens te coucher, hôte. Le lit est préparé pour toi. ». Elles parlèrent ainsi. Il lui parut doux de s’étendre. Ainsi dormit là le divin Ulysse qui a beaucoup souffert sur un lit de sangles dans la galerie sonore. Et Alcinoos s’était couché au fond de la haute demeure ; auprès de lui sa femme et maîtresse de maison tenait prêts la couche et le lit.