Le pays des Lotophages a longtemps été identifié comme étant l'île de Djerba, en Tunisie ; mais Jean Cuisenier, dans le Périple d'Ulysse, conteste cette identification ; la région présente en effet une côte basse, sablonneuse, dangereuse pour les navires à cause du risque d'échouage : Homère aurait sans doute fait allusion à cette difficulté.
S'agit-il alors de la Cyrénaïque, ou de la Grande Syrte, dans l'actuelle Libye ?
On peut noter qu'Homère ne mentionne aucun nom. Nous sommes dans "l'autre monde",depuis la dérive du cap Malée.
Entre les Grecs, mangeurs de pain et de viande grillée, et les Lotophages végétariens il y a essentiellement une différence culturelle. C'est un peuple vivant de cueillette, sans organisation politique ; le lotus qu'il consomme est peut-être la jujube, plante aux vertus sédatives et narcotiques.
Quoi qu'il en soit, contrairement au pays des Cicones, ici il n'y a rien à échanger, rien à piller : il faut réembarquer au plus vite.
Entre le pays des Lotophages et celui des Cyclopes, Homère ne donne aucune indication d'îles, d'amers ou de vents : les navigateurs arrivent à une terre dépourvue de nom.
Comme les Lotophages, les Cyclopes n'ont aucune organisation civique ; mais ils sont carnivores, bergers... et anthropophages ! On a franchi un cran dans la barbarie...
Pourtant l'escale avait bien commencé : la description que donne Homère de l'île située en face de la Cyclopie est idéale pour fonder une colonie.
Faut-il identifier Polyphème et l'Etna ? Certes il a un œil rond, il vomit du feu et de la lave... mais Jean Cuisenier penche plutôt pour les Egades, à la pointe ouest de la Sicile, non loin d'Erice. Elles présentent de nombreuses grottes, où des peintures rupestres attestent d'une présence très ancienne.
Il pourrait s'agir des îles Lipari, qui présentent un régime des vents particulièrement capricieux et dangereux, notamment aux alentours de Vulcano. les Éoliens se montrent accueillants, car ils attendent un contre-don en échange : en l'occurrence des informations sur les routes maritimes (d'où leur intérêt pour les "retours"), qu'Ulysse s'empresse de leur donner.
Mais l'éolie est avant tout une Utopie : une "île flottante" (mythe récurrent en Méditerranée), un Roi débonnaire qui a un nombre pair d'enfants et les marie entre eux... Même si la seconde arrivée d'Ulysse est moins heureuse que la première, cette escale donne l'impression d'une sorte de trêve dans les malheurs des Grecs.
Une trêve... avant le pire, représenté par l'escale tragique chez les Lestrygons.
Ulysse pensait avoir pris toutes les précautions : il avait fait entrer toute son escadre au fond de l'anse, et avait amaré ses navires les uns aux autres pour ne former qu'un seul bloc, pour se protéger mutuellement ; le navire amiral, lui, était resté près de la sortie, prêt à appareiller. C'est une manœuvre classique pour des navires dans un port étranger, peut-être hostile.
Mais la suite, imprévue, lui donnera tort : les navires sont en effet pris au piège à l'intérieur de l'anse, et bombardés à coups de pierres par des géants : seul le navire d'Ulysse parvient à s'échapper.
Qui sont donc les Lestrygons ? Ils apparaissent comme proche des Cyclopes, et très différents en même temps :
Sans doute faut-il les chercher quelque part sur le rivage de la Corse, ou en Sardaigne, où existait à l'époque du Bronze une véritable civilisation, celle des "Nuraghe" ; peut-être imposaient-ils aux voyageurs qui s'aventuraient chez eux de lourds tributs ?