Marc-Aurèle (121-180)

© Michèle Tillard

Bonnes pensées du matin.

[1] Ὄρθρου, ὅταν δυσόκνως ἐξεγείρῃ, πρόχειρον ἔστω ὅτι ἐπὶ ἀνθρώπου ἔργον ἐγείρομαι. Ἔτι οὖν δυσκολαίνω, εἰ πορεύομαι ἐπὶ τὸ ποιεῖν, ὧν ἕνεκεν γέγονα καὶ ὧν χάριν προῆγμαι εἰς τὸν κόσμον; ἢ ἐπὶ τοῦτο κατεσκεύασμαι, ἵνα κατακείμενος ἐν στρωματίοις ἐμαυτὸν θάλπω ; [2] «Ἀλλὰ τοῦτο ἥδιον.» Πρὸς τὸ ἥδεσθαι οὖν γέγονας, ὅλως δὲ πρὸς πεῖσιν, οὐ πρὸς ἐνέργειαν ; Οὐ βλέπεις τὰ φυτάρια, τὰ στρουθάρια, τοὺς μύρμηκας, τοὺς ἀράχνας, τὰς μελίσσας τὸ ἴδιον ποιούσας, τὸ καθ᾽ αὑτὰς συγκοσμούσας κόσμον; [3] Ἔπειτα σὺ οὐ θέλεις τὰ ἀνθρωπικὰ ποιεῖν ; Οὐ τρέχεις ἐπὶ τὸ κατὰ τὴν σὴν φύσιν ; [4] «ἀλλὰ δεῖ καὶ ἀναπαύεσθαι.» Δεῖ· φημὶ κἀγώ. Ἔδωκε μέντοι καὶ τούτου μέτρα ἡ φύσις, ἔδωκε μέντοι καὶ τοῦ ἐσθίειν καὶ πίνειν, καὶ ὅμως σὺ ὑπὲρ τὰ μέτρα, ὑπὲρ τὰ ἀρκοῦντα προχωρεῖς, ἐν δὲ ταῖς πράξεσιν οὐκ ἔτι, ἀλλ᾽ ἐντὸς τοῦ δυνατοῦ. [5] Οὐ γὰρ φιλεῖς σεαυτόν, ἐπεί τοι καὶ τὴν φύσιν ἄν σου καὶ τὸ βούλημα ταύτης ἐφίλεις1. [6] Ἄλλοι δὲ τὰς τέχνας ἑαυτῶν φιλοῦντες συγκατατήκονται τοῖς κατ᾽ αὐτὰς ἔργοις ἄλουτοι καὶ ἄσιτοι· σὺ τὴν φύσιν τὴν σαυτοῦ ἔλασσον τιμᾷς ἢ ὁ τορευτὴς τὴν τορευτικὴν ἢ ὁ ὀρχηστὴς τὴν ὀρχηστικὴν ἢ ὁ φιλάργυρος τὸ ἀργύριον ἢ ὁ κενόδοξος τὸ δοξάριον ; [7] Καὶ οὗτοι, ὅταν προσπαθῶσιν, οὔτε φαγεῖν οὔτε κοιμηθῆναι θέλουσι μᾶλλον ἢ ταῦτα συναύξειν, πρὸς ἃ διαφέρονται· σοὶ δὲ αἱ κοινωνικαὶ πράξεις εὐτελέστεραι φαίνονται καὶ ἥσσονος σπουδῆς ἄξιαι ;

Pensées pour moi-même, V, 1.

Le matin, quand tu as peine à te réveiller, que ceci soit présent à ton esprit : je m’éveille pour un travail d’homme. Suis-je donc encore de mauvaise humeur, si je vais faire ce pour quoi je suis né et en vue de quoi j’ai été mis au monde ? Ou bien suis-je fait pour me réchauffer, couché sous des couvertures ? « Mais c’est plus agréable ». Tu es donc né pour le plaisir, et en général pour la passivité, et non l’activité ? Ne vois-tu pas les plantes, les moineaux, les fourmis, les araignées, les abeilles qui font leur tâche propre, et qui contribuent pour leur part à l’ordonnancement du monde ? Alors toi, tu ne veux pas faire œuvre humaine ? Tu ne cours pas vers la tâche conforme à ta nature ? « Mais il faut aussi se reposer ». Il le faut ; moi aussi je le dis. Mais la nature a donné des bornes aussi à cela, elle en a donné pour le boire et le manger, et pourtant toi tu dépasses les bornes, tu vas au-delà du suffisant ; mais non plus dans les actions : là tu restes en-deçà du possible. En effet tu ne t’aimes pas toi-même, sinon tu aimerais ta nature et sa volonté1. Les autres, aimant leur métier, s’épuisent dans les travaux qui les concernent, sans se laver ni manger ; toi, tu honores moins ta propre nature que le ciseleur sa ciselure, le danseur sa danse, l’avare son argent et le vantard sa petite gloire ? Eux, lorsqu’ils sont pris par leur passion, ils ne veulent ni manger ni dormir, mais plutôt accroître les biens pour lesquels ils font des efforts. Et à toi, les actions utiles à la communauté te semblent inférieures, et dignes de moins de zèle ?

1. ἐπεί τοι... ἂν ἐφίλεις est un irréel du présent : puisque alors tu aimerais…

Livre IV

Comment rester serein ? (IV, 3)

Ἀναχωρήσεις αὑτοῖς ζητοῦσιν ἀγροικίας καὶ αἰγιαλοὺς καὶ ὄρη, εἴωθας δὲ καὶ σὺ τὰ τοιαῦτα μάλιστα ποθεῖν. Ὅλον δὲ τοῦτο ἰδιωτικώτατόν ἐστιν, ἐξόν, ἧς ἂν ὥρας ἐθελήσῃς, εἰς ἑαυτὸν ἀναχωρεῖν. Οὐδαμοῦ γὰρ οὔτε ἡσυχιώτερον οὔτε ἀπραγμονέστερον ἄνθρωπος ἀναχωρεῖ ἢ εἰς τὴν ἑαυτοῦ ψυχήν, μάλισθ ὅστις ἔχει ἔνδον τοιαῦτα, εἰς ἃ ἐγκύψας ἐν πάσῃ εὐμαρείᾳ εὐθὺς γίνεται· τὴν δὲ εὐμάρειαν οὐδὲν ἄλλο λέγω ἢ εὐκοσμίαν. Συνεχῶς οὖν δίδου σεαυτῷ ταύτην τὴν ἀναχώρησιν καὶ ἀνανέου σεαυτόν· βραχέα δὲ ἔστω καὶ στοιχειώδη ἃ εὐθὺς ἀπαντήσαντα ἀρκέσει εἰς τὸ πᾶσαν λύπην ἀποκλύσαι καὶ ἀποπέμψαι σε μὴ δυσχεραίνοντα ἐκείνοις ἐφ ἃ ἐπανέρχῃ. Τίνι γὰρ δυσχερανεῖς ; Τῇ τῶν ἀνθρώπων κακίᾳ ; Ἀναλογισάμενος τὸ κρῖμα, ὅτι τὰ λογικὰ ζῷα ἀλλήλων ἕνεκεν γέγονε καὶ ὅτι τὸ ἀνέχεσθαι μέρος τῆς δικαιοσύνης καὶ ὅτι ἄκοντες ἁμαρτάνουσι καὶ πόσοι ἤδη διεχθρεύσαντες, ὑποπτεύσαντες, μισήσαντες, διαδορατισθέντες ἐκτέτανται, τετέφρωνται, παύου ποτέ. Ἀλλὰ καὶ τοῖς ἐκ τῶν ὅλων ἀπονεμομένοις δυσχερανεῖς ; ἀνανεωσάμενος τὸ διεζευγμένον τό· ἤτοι πρόνοια ἢ ἄτομοι, καὶ ἐξ ὅσων ἀπεδείχθη ὅτι ὁ κόσμος ὡσανεὶ πόλις. Ἀλλὰ τὰ σωματικά σου ἅψεται ἔτι ; Ἐννοήσας ὅτι οὐκ ἐπιμίγνυται λείως ἢ τραχέως κινουμένῳ πνεύματι ἡ διάνοια, ἐπειδὰν ἅπαξ ἑαυτὴν ἀπολάβῃ καὶ γνωρίσῃ τὴν ἰδίαν ἐξουσίαν, καὶ λοιπὸν ὅσα περὶ πόνου καὶ ἡδονῆς ἀκήκοας καὶ συγκατέθου. Ἀλλὰ τὸ δοξάριόν σε περισπάσει ; Ἀπιδὼν εἰς τὸ τάχος τῆς πάντων λήθης καὶ τὸ χάος τοῦ ἐφ ἑκάτερα ἀπείρου αἰῶνος καὶ τὸ κενὸν τῆς ἀπηχήσεως καὶ τὸ εὐμετάβολον καὶ ἄκριτον τῶν εὐφημεῖν δοκούντων καὶ τὸ στενὸν τοῦ τόπου, ἐν ᾧ περιγράφεται· ὅλη τε γὰρ ἡ γῆ στιγμὴ καὶ ταύτης πόστον γωνίδιον ἡ κατοίκησις αὕτη ; Καὶ ἐνταῦθα πόσοι καὶ οἷοί τινες οἱ ἐπαινεσόμενοι ; Λοιπὸν οὖν μέμνησο τῆς ὑποχωρήσεως τῆς εἰς τοῦτο τὸ ἀγρίδιον ἑαυτοῦ καὶ πρὸ παντὸς μὴ σπῶ μηδὲ κατεντείνου, ἀλλὰ ἐλεύθερος ἔσο καὶ ὅρα τὰ πράγματα ὡς ἀνήρ, ὡς ἄνθρωπος, ὡς πολίτης, ὡς θνητὸν ζῷον. Ἐν δὲ τοῖς προχειροτάτοις, εἰς ἃ ἐγκύψεις, ταῦτα ἔστω τὰ δύο· ἕν μέν, ὅτι τὰ πράγματα οὐχ ἅπτεται τῆς ψυχῆς, ἀλλ ἔξω ἕστηκεν ἀτρεμοῦντα, αἱ δὲ ὀχλήσεις ἐκ μόνης τῆς ἔνδον ὑπολήψεως· ἕτερον δέ, ὅτι πάντα ταῦτα, ὅσα ὁρᾷς, ὅσον οὐδέπω μεταβαλεῖ καὶ οὐκ ἔτι ἔσται· καὶ ὅσων ἤδη μεταβολαῖς αὐτὸς παρατετύχηκας, συνεχῶς διανοοῦ. Ὁ κόσμος ἀλλοίωσις, ὁ βίος ὑπόληψις.

On se cherche des refuges à la campagne, des bords de mer, et des montagnes, et toi aussi tu as coutume d'éprouver au plus haut point de telles désirs. Mais cela est tout à fait vulgaire, alors qu'il est permis, à l'heure que tu veux, de se réfugier en soi-même. Nulle part en effet l'homme ne séjourne de manière plus tranquille ni plus dénuée d'ennuis que dans sa propre âme, surtout celui que a en lui de telles ressources, sur lesquelles il puisse se pencher pour aussitôt se trouver en parfaite aisance ; je dis que l'aisance n'est rien d'autre que la décence. Donne-toi donc constamment à toi-même ce refuge et augmente-toi toi-même. Que soient brèves et élémentaires les maximes vers lesquelles te tourner, pour qu'elles suffisent à dissiper tout ton chagrin et te détourne de te mettre en colère contre ce vers quoi tu reviens. Contre qui es-tu en colère ? Contre la méchanceté des hommes ? En te souvenant de cet axiome, que les êtres vivants doués de raison sont nés les uns pour les autres et que se supporter est une partie de la justice, et qu'ils se trompent sans le vouloir, et que tant d'hommes qui se sont haïs, soupçonnés, détestés, percés à coups de lance sont étendus, en cendres, apaise-toi donc. Mais es-tu fâché contre les choses qui sont réparties dans l'univers ? Souviens-toi à nouveau de cette alternative : ou une providence ou des atomes, et il a été démontré par tant de gens que l'univers est en quelque sorte une cité. Mais les choses corporelles t'atteindront encore ? Songe que la pensée ne se confond pas avec le souffle qui te meut doucement ou rudement, lorsqu'elle s'est saisie elle-même une seule fois et qu'elle a connu sa propre essence, et du reste, compare tout ce que tu as entendu au sujet de la peine et du plaisir. Mais c'est la gloriole qui t'occupe l'esprit ? Regarde la vitesse de l'oubli de toutes choses, l'immensité du temps infini dans les deux sens et le vide de l'écho et la mutabilité et l'incompétence de ceux qui semblent applaudir et l'étroitesse du lieu dans lequel elle s''inscrit ; la terre toute entière est un point et de celle-ci, quel coin minuscule constitue la partie habitée ? Et là, combien sont et qui sont ceux qui te loueront ? Au reste donc souviens-toi de te retirer dans ce petit domaine qui t'est propre et avant tout ne t'agite pas ni ne t'efforces, mais sois libre et vois les affaires comme un homme, un être humain, un citoyen, un animal mortel. Et dans les réflexions les plus spontanées sur lesquelles tu te penches, qu'il y ait ces deux-là : l'une, que les affaires ne touchent pas l'âme, mais qu'elles se tiennent à l'extérieur, en repos, et que les troubles naissent de notre seule conception intérieure ; l'autre, que tout cela que tu vois, changera bientôt et ne sera plus ; et songe continuellement aux changements de tant de choses que tu as toi-même rencontrés. Le monde est changement, la vie, une opinion.

Éclaircissements linguistiques

Les bienfaits de la philosophie (V, 9)

Μὴ σικχαίνειν μηδὲ ἀπαυδᾶν μηδὲ ἀποδυσπετεῖν, εἰ μὴ καταπυκνοῦταί σοι τὸ ἀπὸ δογμάτων ὀρθῶν ἕκαστα πράσσειν, ἀλλὰ ἐκκρουσθέντα πάλιν ἐπανιέναι καὶ ἀσμενίζειν, εἰ σοὶ τὰ πλείω ἀνθρωπικώτερα, καὶ φιλεῖν τοῦτο, ἐφ ὃ ἐπανέρχῃ, καὶ μὴ ὡς πρὸς παιδαγωγὸν τὴν φιλοσοφίαν ᾠόν, ὡς ἄλλος πρὸς κατάπλασμα, ὡς πρὸς καταιόνησιν. Οὕτως γὰρ οὐδὲν ἐπιδείξῃ τὸ πειθαρχεῖν τῷ λόγῳ, ἀλλὰ προσαναπαύσῃ αὐτῷ. Μέμνησο δὲ ὅτι φιλοσοφία μόνα, ἃ θέλει ἡ φύσις σου, θέλει· σὺ δὲ ἄλλο ἤθελες οὐ κατὰ φύσιν. Τί γὰρ τούτων προσηνέστερον ; Ἡ γὰρ ἡδονὴ οὐχὶ διὰ τοῦτο σφάλλει ; Ἀλλὰ θέασαι, εἰ προσηνέστερον μεγαλοψυχία, ἐλευθερία, ἁπλότης, εὐγνωμοσύνη, ὁσιότης. Αὐτῆς γὰρ φρονήσεως τί προσηνέστερον, ὅταν τὸ ἄπταιστον καὶ εὔρουν ἐν πᾶσι τῆς παρακολουθητικῆς καὶ ἐπιστημονικῆς δυνάμεως ἐνθυμηθῇς ;

Ne sois pas dégoûté, abattu ni malheureux, s'il ne t'arrive pas souvent d'agir selon les préceptes corrects, mais reviens à ce que tu as manqué et sois content si la plupart de tes actes sont à peu près humains, et aime ce vers quoi tu reviens, et ne reviens pas à la philosophie comme vers un maître d'école, mais comme un malade des yeux recourt à l'éponge et à l'œuf, ou un autre malade au cataplasme et à la compresse. Ainsi tu ne feras pas étalage de ton obéissance envers la raison, mais tu te reposeras sur elle. Souviens-toi que la philosophie veut seulement ce que veut ta nature ; toi, tu voulais autre chose, non conforme à la nature. Qu'y a-t-il de plus attrayant que cela ? En effet le plaisir n'égare-t-il pas par cela ? Hé bien, observe si la grandeur d'âme, la liberté, la droiture, la prudence, la sainteté ne sont pas des choses plus agréables ? Qu'y a-t-il de plus convenable que cette sagesse, quand tu songes à l'infaillibilité et la facilité que procure en toutes choses cette faculté d'intelligence et de savoir ?