Extrait de l'œuvre

Hospitalité grecque

Œdipe et Antigone, par H-P Krafft (Vienne, 1809)Informations[1]

Après avoir compris qu'il avait, sans le vouloir, tué son père et épousé sa mère, Œdipe, désespéré, s'est crevé les yeux et a quitté Thèbes ; sa fille Antigone le suit. Sur la route, ils ont rencontré le brigand Clios, qui les a pris sous sa protection. Un soir, ils arrivent chez une femme âgée, Diotime...

Un soir, après une étape très dure, Œdipe s'arrête à la lisière d'un bois d'oliviers. Il demande à Antigone s'il y a un chemin le long du bois, puis un autre qui tourne à droite. Étonnée, elle dit que oui. "Alors nous sommes arrivés. Suis ces chemins et tu trouveras une maison dans laquelle tu pourras te reposer quelques jours ou demeurer longtemps si tu le veux. Va avec elle, Clios. Une femme vous attendra, demande-lui la permission de bâtir une hutte et de faire un feu près de ce bois. – Qui est cette femme ? demande Clios. – je l'ignore. Je sais seulement qu'elle est, comme nous, dans l'alliance de Sélénos et des bergers. J'ai confiance en elle."

Antigone et Clios longent le bois, au bout du chemin il y a une longue maison blanche entourée d'arbres et de fleurs. Devant la porte se trouve une femme aux cheveux gris qui les regarde s'approcher sans bouger, en souriant. Quand Antigone est devant elle, elle dit : "je t'attendais. Je suis Diotime." Clios est resté un peu en arrière, Antigone éprouve du respect pour cette femme marquée par le temps et toujours belle. Sale et décoiffée comme elle est, avec sa robe poussiéreuse, elle fait sans trembler la grande révérence de Thèbes. Diotime lui prend les mains :

"Tu es bien celle que j'ai vue dans le rêve où Sélénos m'annonçait ta venue et celle de ton père. Qui est celui qui t'accompagne ?" Clios s'avance : "Je suis Clios qu'on appelait le bandit. J'ai eu de grands torts envers Antigone et son père. Ils les ont oubliés et je m'efforce depuis de les défendre. Accorde à Œdipe et à moi le droit de bâtir une hutte près du bois d'oliviers. Donne-nous un peu de nourriture et je travaillerai pendant que nous serons là. – Au nom de mon fils Narsès, dit Diotime, et de notre allié Sélénos, vous êtes les bienvenus. Vous aurez ce que vous demandez."

Elle les fait entrer dans une salle toute blanche où une jeune fille, occupée à préparer le repas, emplit le sac de Clios qui la remercie et s'en va.

Henry Bauchau, "Œdipe sur la route", Actes Sud, 1990, p. 42-43.