Subordonnées conjonctives

Souviens-toi, la première fois que nous avons fait l'amour et que je me suis trouvée nue devant toi, tu n'as pu t'empêcher de rire en voyant le cordonnet qui entourait mes hanches et le petit bout de bois qui y pendait.

"Viviane, dis-moi, qu'est-ce que c'est que ce gri-gri ? Toi, l'étudiante, la sociologue, tu crois aux amulettes comme les vieilles sorcières de ton village en Afrique !"

J'ai eu l'impression que, pour la première fois, tu te rendais compte que la fille avec laquelle tu allais faire l'amour était noire et que tu retrouvais soudain grâce à cette pendeloque qui oscillait contre mon ventre la condescendance amusée avec laquelle les Européens de bonne volonté traitent les Africains.

Je ne t'ai pas répondu et tu as insisté :

"Explique-moi, qu'est-ce que c'est que ce machin ? C'est pour te protéger ? Tu crois que ça va remplacer la pilule ?"

Je t'ai embrassé sur la bouche pour te faire taire et nous avons fait l'amour. Notre liaison a duré quelques semaines, quelques mois peut-être, nous nous sommes séparés, je ne sais plus où tu es, je n'attends pas de tes nouvelles mais c'est quand même un peu pour toi que je veux écrire l'histoire de ce que tu as appelé, en te moquant, mon gri-gri, une histoire que tu ne liras sans doute pas.

*

"Écoute, Viviane, ma fille, écoute bien mon conseil, me répétait papa, si tu veux être reçue à l'examen national, et je compte bien, ainsi que toute la famille, que tu le seras, bien sûr, il faut avoir de bonnes notes en français, en arithmétique, en géographie, en tout ce qu'on apprend à l'école, même en gymnastique et, si tu veux, même en dessin, mais pour parler de choses sérieuses, le plus important, là où tu dois être la meilleure, meilleure que toutes les autres, c'est en catéchisme. Tu es tutsi, tu n'as pas beaucoup de chances d'avoir l'examen et d'aller à l'école secondaire, mais si tu sais bien ton catéchisme, si tu le sais par cœur, il y aura peut-être un père qui dira : "Cette fille-là, laissez-la passer, elle est pour nous, on l'enverra au noviciat de Benebikira", ou même ils décideront que tu peux faire de grandes études car il leur faut de bons catholiques et même un peu de Tutsi pour que les chrétiens d'Amérique leur donnent leur argent. Regarde Anselme, le fils du voisin, il est au petit séminaire, quand il était encore là et que sa mère avait préparé une cruche de bière que je partageais avec Butoyi, j'entendais Anselme qui récitait à haute voix son catéchisme en faisant le tour de la cour et son père se réjouissait : "Tu vois Anselme, il fait tout ce qu'il faut pour plaire au père Damiano, comme ça il aura son examen national." Et c'est bien ce qui est arrivé."

Question

Dans le texte de Scholastique Mukasonga ci-dessus, relevez les propositions subordonnées conjonctives.

Solution

  • que, pour la première fois, tu te rendais compte

  • que la fille avec laquelle tu allais faire l'amour était noire

  • que tu retrouvais soudain [...] la condescendance amusée

  • que ça va remplacer la pilule

  • que tu le seras

  • que tu peux faire de grandes études

Ici toutes les subordonnées sont à l'indicatif, à des temps variés : futur proche, imparfait, futur, présent...

Question

"que sa mère avait préparé une cruche de bière" est-il une proposition subordonnée conjonctive ?

Solution

"que sa mère avait préparé une cruche de bière" n'est pas une proposition subordonnée conjonctive :

  • Elle est coordonnée à "quand il était encore là", qui est une subordonnée circonstancielle de temps ; or on ne peut coordonner que deux énoncés de même nature : "que sa mère..." est donc aussi une subordonnée circonstancielle de temps.

  • "Que" ici n'est pas sémantiquement vide ; il reprend "quand", et a la même valeur temporelle.

  • Ces deux énoncés sont effaçables et déplaçables :

    • "J'entendais Anselme" est un énoncé parfaitement complet et pourvu d'un sens : les circonstants sont facultatifs ;

    • "J'entendais Anselme quand il était encore là et que sa mère avait préparé une cruche de bière" est une phrase tout à fait correcte.

Question

"que tu ne liras sans doute pas" est-il une proposition subordonnée conjonctive ?

Solution

"que tu ne liras sans doute pas" n'est pas une proposition subordonnée conjonctive :

"que" ici n'est pas vide, mais renvoie au mot "histoire", qui est son antécédent : c'est un pronom relatif.

"que tu ne liras sans doute pas" est une proposition relative, équivalent à un adjectif : "une histoire illisible".