Les paramètres des modalités de phrase

Définition

Pour reconnaître la modalité de la phrase (assertive, interrogative, exclamative...), que nous avons commencé à aborder dans la séquence précédente, on s'appuie sur trois facteurs, et parfois un quatrième :

  1. Le mode du verbe.

  2. L'ordre sujet / verbe.

  3. L'intonation, ou la ponctuation de fin de phrase.

  4. La présence éventuelle d'un morphème en qu-, non subordonnant.

Le mode du verbe

Les quatre modes de la phrase verbale simple sont :

  1. L'indicatif

  2. Le subjonctif

  3. L'impératif

  4. L'infinitif

L'indicatif, le plus employé, est le mode du constat, de l'assertion, mais aussi de l'interrogation et de l'exclamation ; c'est le mode "neutre", sans modalité particulière. Il s'oppose à tous les autres.

Le subjonctif indique une suspension de jugement, une impossibilité ou un refus du constat ; son utilisation est peu fréquente dans l'indépendante ; il tend à devenir le mode de la subordination.

L'impératif est le mode de l'injonction.

Enfin, l'infinitif est le mode du pur concept.

Exemple

Le texte d'Amina Saïd ci-dessus est composé de 11 verbes – c'est-à-dire de onze propositions indépendantes.

Il s'agit d'un poème en plusieurs strophes (huit strophes de 1 à 2 vers), sans ponctuation, ce qui rend parfois difficile la séparation entre les phrases. Ainsi, dans :

« elles hurlent l'espace d'un instant / se déchire l'enveloppe de la nuit »

la division en deux vers invite à associer phrase et vers ; mais en même temps, on peut considérer que "l'espace d'un instant" est le complément circonstanciel de temps de "se déchire".

Tous les verbes sont à l'indicatif, présent (promet, appartenons, tissent, nourrissent, hurlent, se déchire, s'affolent, fouillent, faut) ou futur (serons, serons-nous)...

Le texte se présente donc comme une série de constats, de notations apparemment objectives.

L'ordre sujet / verbe

  • La norme est l'ordre sujet + verbe. (exemple 1)

  • Dès que cet ordre est modifié, cela constitue un écart plus ou moins significatif.

    • L'inversion du sujet nominal peut n'être qu'une variante de l'ordre canonique, par exemple lorsqu'il y a un complément circonstanciel en tête de phrase. (exemple 2)

    • En revanche, quand le sujet postposé est un pronom "il" ou "elle", dit "pronom clitique", l'assertion se transforme en interrogation, ou en hypothèse. (exemple 3)

Exemple

  1. La Marquise sortit à cinq heures.

  2. À cinq heures sortit la Marquise.

  3. À quelle heure la Marquise viendra-t-elle ?

Exemple

Dans le texte d'Amina Saïd, la plupart des phrases présentent l'ordre canonique Sujet + Verbe.

Nous pouvons relever deux cas d'ordre inverse :

  • « peut-être n'y serons-nous jamais solitaires » : la modalisation "peut-être" en tête de phrase impose la post-position du sujet, tout en ajoutant une modalité d'indétermination ;

  • dans l'exemple déjà cité, « elles hurlent l'espace d'un instant / se déchire l'enveloppe de la nuit », si l'on considère "l'espace d'un instant" comme le CCTemps du verbe "se déchire, la post-position du sujet est naturelle ; si cependant on le rattache à "elles hurlent", la post-position du sujet "l'enveloppe de la nuit" prend simplement une valeur emphatique, un peu précieuse.

L'intonation et la ponctuation

Même s'il n'est pas toujours facile, oralement, de repérer les intonations, on peut remarquer une opposition forte :

  • Une intonation descendante a une valeur conclusive, assertive, thétique. Elle correspond au point (ou à une ponctuation forte).

  • Une intonation ascendante a une valeur non conclusive, interrogative. Elle correspond au point d'interrogation.

Dans la langue parlée, cette intonation est la seule marque qui peut distinguer, bien souvent, une assertion d'une question.

Exemple

  • "Tu as trouvé ton bonheur." est une affirmation, un constat.

  • "Tu as trouvé ton bonheur ?" est une question.

Remarque

L'absence de ponctuation dans le poème d'Amina Saïd permet de donner une latitude d'interprétation au lecteur : libre à lui de lire les vers 3-4 comme un constat un peu hésitant, ou comme une question...

Présence d'un terme en qu- non subordonnant

Il suffit d'un terme en qu- dans une phrase simple pour la rendre interrogative ou exclamative.