Extrait de l'œuvre

Feu de boisInformations[1]

Personne ne saura jamais ce qui avait brûlé dans le feu. Deux sœurs, âgées de vingt et vingt-deux ans, l'avaient allumé dans leur jardin à cinq heures du matin, un jour de septembre. En chemise de nuit, chandail, sandales, elles étaient sorties alors qu'il faisait encore presque noir, elles avaient peur et un peu froid, mais chacune serrait fort une boîte d'allumette dans sa main. S'il y avait là des lettres, elles ne les avaient pas lues, des poèmes, elles ne les connaissaient pas, des confessions, des aveux, elles croyaient que la pudeur ou la prudence leur dictait de n'en apprendre rien, des messages, des pensées, des dernières volontés, elles les jetaient par liasses sur le bûcher. Le visage chaud, coloré par des reflets roux changeants, les yeux brillants, elles observaient la combustion.

Papier qui brûle ne crépite pas. le feu était pratiquement muet. Au-dessus, l'air bouillonnait comme du sirop de sucre. Le jardin semblait fondre.

Éva Almassy," Tous les Jours", Gallimard, Paris, 1999, p 13.