Pratiquer la concordance des temps

Nous avons recopié ici le texte de Raharimanana.

C'est lors de cette traversée que le boutre de Ramakararo fut presque submergé par la tempête. Il fallut alléger le navire pour qu'il ne soit pas totalement englouti par la mer. Les Loholona en profitèrent pour concevoir une idée en vue d'éliminer les Antevandrika, les Vohipatàka, les Antesalo ou les Antemasiry.

Les légendes nous expliquent pourquoi et comment cette idée fut conçue. Ces gens que les Loholona voulaient éliminer faisaient partie en réalité d'une population noire et vaincue qui n'avait qu'une vague idée de la religion musulmane. Les Loholona craignaient tant qu'ils se mutinent qu'ils préférèrent les abattre de suite. Ils les rassemblèrent sous le vocable de « Kafiry » ou cafres – mot qui est encore bien vivant chez les Antemoro –, selon la pigmentation de leurs peaux. Et voici comment, selon la légende, cette idée fut mise en œuvre : ils placèrent les Mosilimo (ceux qui suivent pieusement la religion du prophète) et les Kafiry de sorte que les cabines où ils se trouvaient à part se succèdent l'une après l'autre. Ils les convainquirent ensuite de cette manière : « nous sommes obligés de jeter des hommes à la mer pour alléger le navire afin qu'il ne sombre pas. Nous le ferons avec justice, sans tenir compte du rang de chacun (ce n'était que parole de ruse, en vérité), c'est pourquoi, le sort va désigner lesquels parmi nous devront être lancés à l'océan. Nous commencerons à compter à partir des cabines où se trouvent les Mosilimo. Les occupants de la cabine où le nombre 10 tombera seront jetés à la mer. Et nous recommencerons à compter dans n'importe quel sens. Le sort choisira ses victimes. » Pendant ce temps, tandis que les gens avaient été enfermés dans les cabines, n'étaient restés sur le pont que ceux qui avaient été désignés pour « compter » et ceux qui devaient jeter les « élus » à la mer. Mais les Loholona avaient bien calculé pour placer les Mosilimo et les Kafiry. Ils avaient fait en sorte que le nombre 10 tombe toujours sur une cabine des Kafiry.

Essayez donc de compter à partir de n'importe quelle cabine des Mosilimo, dans n'importe quel sens, de droite comme de gauche, et continuez toujours. Le nombre 10 tombera invariablement sur une cabine de Kafiry. Ce fut fait deux ou trois fois au point qu'il ne restait presque plus de Kafiry ! Il n'y eut plus qu'un seul homme du clan des Vohipatàka, des Antemasiry comme des Antevandrika avant que les « compteurs » et les « lanceurs » ne s'arrêtent. Ce n'est que quand tout fut fini que les Kafiry survivants comprirent la ruse. Mais ils ne pouvaient plus rien faire...

Question

Si l'on voulait respecter rigoureusement la concordance des temps, à quel temps seraient les subjonctifs mis en gras dans le texte ?

Solution

La concordance avec un verbe principal au présent
  •  « nous sommes obligés de jeter des hommes à la mer pour alléger le navire afin qu'il ne sombre pas »

    Nous sommes dans un discours direct, dont la principale est au présent : la subordonnée, qui porte sur le futur, est donc normalement au subjonctif présent.

La concordance avec un verbe principal au passé
  • Il fallut alléger le navire pour qu'il ne fût pas englouti

  • Les Loholona craignaient qu'ils se mutinassent

  • Ils placèrent les Mosilimo et les Kafiry de sorte que les cabines (...) se succédassent

  • Ils avaient fait en sorte que le nombre 10 tombât...

  • Il n'y eut plus qu'un seul homme (...) avant que les "compteurs" et les "lanceurs" ne s'arrêtassent.

Dans tous ces cas, la principale est au passé ; la subordonnée est postérieure à la principale : on attendrait donc, comme ci-dessus, à des subjonctifs imparfaits.

Remarque

On notera que le subjonctif imparfait de la 3ème personne du singulier est encore employé : peut-être son homophonie avec le passé simple lui donne-t-il une allure plus familière qui le rend acceptable. En revanche, la 3ème personne du pluriel est presque inusitée aujourd'hui.