Relever et classer les pronoms

Nous avons recopié ici le texte de Kamel Daoud.

Aujourd'hui, M'ma est encore vivante.

Elle ne dit plus rien, mais elle pourrait raconter bien des choses. Contrairement à moi, qui, à force de ressasser cette histoire, ne m'en souviens presque plus.

Je veux dire que c'est une histoire qui remonte à plus d'un demi-siècle. Elle a eu lieu et on en a beaucoup parlé. Les gens en parlent encore, mais n'évoquent qu'un seul mort – sans honte vois-tu, alors qu'il y en avait deux, de morts. Oui, deux. La raison de cette omission ? Le premier savait raconter, au point qu'il a réussi à faire oublier son crime, alors que le second était un pauvre illettré que Dieu a créé uniquement, semble-t-il, pour qu'il reçoive une balle et retourne à la poussière, un anonyme qui n'a même pas eu le temps d'avoir un prénom.

Je te le dis d'emblée : le second mort, celui qui a été assassiné, est mon frère. Il n'en reste rien. Il ne reste que moi pour parler à sa place, assis dans ce bar, à attendre des condoléances que jamais personne ne me présentera. Tu peux en rire, c'est un peu ma mission : être revendeur d'un silence de coulisses alors que la salle se vide. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai appris à parler cette langue et à l'écrire ; pour parler à la place d'un mort, continuer un peu ses phrases. Le meurtrier est devenu célèbre et son histoire est trop bien écrite pour que j'aie dans l'idée de l'imiter. C'était sa langue à lui. C'est pourquoi je vais faire ce qu'on a fait dans ce pays après son indépendance : prendre une à une les pierres des anciennes maisons des colons et en faire une maison à moi, une langue à moi. Les mots du meurtrier et ses expressions sont mon "bien vacant". Le pays est d'ailleurs jonché de mots qui n'appartiennent plus à personne et qu'on aperçoit sur les devantures des vieux magasins, dans les livres jaunis, sur des visages, ou transformés par l'étrange créole que fabrique la décolonisation.

Question

Relevez et classez les pronoms du texte ci-dessus.

Solution

Aujourd'hui, M'ma est encore vivante.

Elle ne dit plus rien, mais elle pourrait raconter bien des choses. Contrairement à moi, qui, à force de ressasser cette histoire, ne m'en souviens presque plus.

Je veux dire que c'est une histoire qui remonte à plus d'un demi-siècle. Elle a eu lieu et on en a beaucoup parlé. Les gens en parlent encore, mais n'évoquent qu'un seul mort – sans honte vois-tu, alors qu'il y en avait deux, de morts. Oui, deux. La raison de cette omission ? Le premier savait raconter, au point qu'il a réussi à faire oublier son crime, alors que le second était un pauvre illettré que Dieu a créé uniquement, semble-t-il, pour qu'il reçoive une balle et retourne à la poussière, un anonyme qui n'a même pas eu le temps d'avoir un prénom.

Je te le dis d'emblée : le second mort, celui qui a été assassiné, est mon frère. Il n'en reste rien. Il ne reste que moi pour parler à sa place, assis dans ce bar, à attendre des condoléances que jamais personne ne me présentera. Tu peux en rire, c'est un peu ma mission : être revendeur d'un silence de coulisses alors que la salle se vide. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai appris à parler cette langue et à l'écrire ; pour parler à la place d'un mort, continuer un peu ses phrases. Le meurtrier est devenu célèbre et son histoire est trop bien écrite pour que j'aie dans l'idée de l'imiter. C'était sa langue à lui. C'est pourquoi je vais faire ce qu'on a fait dans ce pays après son indépendance : prendre une à une les pierres des anciennes maisons des colons et en faire une maison à moi, une langue à moi. Les mots du meurtrier et ses expressions sont mon "bien vacant". Le pays est d'ailleurs jonché de mots qui n'appartiennent plus à personne et qu'on aperçoit sur les devantures des vieux magasins, dans les livres jaunis, sur des visages, ou transformés par l'étrange créole que fabrique la décolonisation.

Les pronoms personnels :

Ce sont les plus nombreux, et avec les emplois les plus diversifiés :

  • sujets : elle, je, elle, tu, il (impersonnel dans "semble-t-il", "il y a", personnel dans "pour qu'il reçoive"), je, il, tu, je... et le "moi", sujet réel de "il ne reste que moi" ;

  • objets : m' (souviens), le (dis), l'écrire, l'imiter ;

  • compléments d'objets indirects (COI) : m'en souviens, on en a parlé, les gens en parlent, je te le dis, me présenteras, en rire...

  • autres emplois prépositionnels : il n'en reste rien (complément du pronom "rien"), à lui, à moi...

Les pronoms relatifs :

  • sujets (qui) : qui ne m'en souviens, qui remonte, qui n'a même pas eu le temps, qui a été assassiné, qui n'appartiennent plus ;

  • objets (que) : ce qu'on a fait, qu'on aperçoit, que fabrique.

Les pronoms démonstratifs :

  • ce, c' : le plus souvent dans la locution "c'est".

  • celui (qui a été assassiné).

Les pronoms indéfinis :

  • le pronom sujet "on" : on en a beaucoup parlé ; on a fait...

  • le pronom neutre "rien" : "elle ne dit plus rien" ; "il n'en reste rien" ;

  • personne : "jamais personne ne me présentera (sujet) ; "qui n'appartiennent plus à personne (COI)

Question

Parmi tous les pronoms ci-dessus, lesquels remplacent un groupe nominal identifiable ?

Solution

Seuls les pronoms personnels et les pronoms relatifs ont un référent clairement identifiable.

Les pronoms personnels :

  • Elle = "M'ma, la mère du narrateur. (elle ne dit, elle pourrait raconter) ;

  • Elle = l'histoire (elle a eu lieu) ;

  • il (personnel), lui, l'= Meursault (il a réussi, sa langue à lui, l'imiter) ;

  • il (personnel) = Moussa, le frère du narrateur (qu'il reçoive une balle) ;

  • le = toute la phrase qui suit ("Je te le dis...") ;

  • en = "de cette histoire" ; "les pierres des anciennes maisons"...

  • l' = cette langue (l'écrire)

On remarquera que si "je, me, moi" est aisément identifiable au locuteur - dont on apprend ici qu'il est le frère de l'homme assassiné, et plus tard qu'il s'appelle Haroun - le "tu" en revanche, reste anonyme et énigmatique.

Les pronoms relatifs :

Les pronoms relatifs ont généralement un antécédent présent dans la principale.

  • moi, qui

  • une histoire qui

  • un anonyme qui

  • celui qui

  • ce qu'on a fait

  • de mots qui... et que...

  • l'étrange créole que...